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lève les mâchoires, et on coupe à la lime les bouts qui dépassent. Dans la torsade espagnole, on voit que les fils ne sont pas proprement tordus, mais seulement enroulés chacun sur l’autre, tandis qu’ici, c’est-à-dire dans l’ancienne torsade française, les deux fils sont tordus chacun autour de l’autre. Cette torsion est une épreuve très-rude pour le fil ; celui qui n’est pas excellent ne la supporte pas et se rompt ; cette raison doit faire préférer la torsade espagnole, qui est tout aussi facile à faire, avec laquelle on n’a pas même besoin d’une lime pour couper les bouts excédants et qui ne fait pas perdre la moindre longueur de fil.


CHAPITRE IX

les lignes de télégraphie souterraines.

Dans tout ce qui précède, nous avons toujours parlé des fils conducteurs portés sur les poteaux, et librement exposés à la vue, c’est-à-dire des lignes aériennes ; nous avons à peine fait allusion aux lignes souterraines, c’est-à-dire à l’enfouissement des fils dans le sol. C’est que ce système, après avoir joui d’une certaine faveur, a fini par être abandonné partout, en raison de l’excessive difficulté, et même de l’impossibilité de maintenir à l’abri de toute altération, un fil enfermé sous terre. Aujourd’hui, les lignes souterraines ne sont plus employées qu’à l’intérieur des villes, encore s’attache-t-on à réduire leur cours le plus possible. À Paris, par exemple, après des échecs répétés, on a eu l’idée de suspendre la plus grande partie des fils à la voûte des égouts ; ce qui ne constitue pas une ligne souterraine dans l’expression propre du mot, mais ce qui a fourni un expédient excellent pour soustraire à la vue du public et aux difficultés de son établissement aérien, l’immense réseau télégraphique de la capitale.

C’est à l’origine de la télégraphie électrique que l’on songea à placer sous terre les fils conducteurs, car on était alors dominé par ce préjugé qu’il serait difficile de préserver contre la malveillance des lignes suspendues en plein air. Depuis que l’on a reconnu avec quel respect général les fils aériens sont traités par les populations ; depuis qu’on a vu les fils télégraphiques demeurer à l’abri de toute atteinte chez les peuples les moins civilisés, chez les Yankees des deux Amériques, chez les Arabes de notre colonie africaine, chez les Indiens et les Tartares des colonies anglaises et russes, etc., ce préjugé a disparu. Mais au début de cet art nouveau, on s’inquiétait surtout de dérober aux yeux les agents secrets de cette merveilleuse correspondance.

Les premières lignes télégraphiques furent établies dans le système souterrain, en Prusse, en Saxe, en Autriche, en Russie, en Irlande. De Moscou à Saint-Pétersbourg, par exemple, sur un parcours de 200 lieues environ, comme sur la ligne de Saint-Pétersbourg à Varsovie, les fils étaient placés sous terre. On les enveloppait d’une couche de gutta-percha, et on en formait une espèce de cordon, que l’on couchait au fond d’une tranchée de 1 mètre de profondeur sur 40 centimètres de largeur. Les différentes parties de la longueur du fil étaient réunies par une soudure, et les soudures enveloppées de gutta-percha. La tranchée était ensuite comblée avec du sable. Afin de pouvoir s’assurer toujours de l’état des conducteurs enfouis sous terre, on ménageait, de distance en distance, sur leur trajet, de petites ouvertures, nommées regards. Si la communication électrique venait à être suspendue, par la rupture du fil ou par son altération, ces regards servaient à rechercher la partie et le point de la ligne où l’accident s’était manifesté.

Mais la gutta-percha, même vulcanisée, se décomposait peu à peu ; car, circonstance singulière, la gutta-percha, qui résiste si bien à