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phabet ; abaissée deux fois, elle indiquait la seconde, et ainsi de suite.

C’était toujours, on le voit, le système alphabétique de Polybe ; seulement, il était mis en pratique par des moyens bizarres.

On peut appliquer la même remarque critique aux projets de Gaspard Schott et de Becher, médecins de l’électeur de Mayence. Ils proposèrent de se servir de bottes de paille ou de foin, qu’on ferait rouler sur cinq mâts séparés les uns des autres. Chaque mât devait être partagé en cinq divisions, chaque division ayant la valeur d’une lettre, qui aurait été ainsi désignée par la hauteur qu’occupait sur le mât la botte de foin. Un flambeau aurait remplacé, pendant la nuit, la botte de foin.

C’était une amélioration au système de Polybe, en ce que cette méthode n’exigeait que deux signes par lettre ; mais ces divisions n’eussent pas été facilement aperçues. Becher le sentit lui-même, comme on le voit dans une lettre qu’il écrivit à Schott, où il annonçait qu’il n’emploierait plus que deux signaux.

Becher n’a pas expliqué de quelle manière il eût combiné ces deux signaux ; mais ce ne pouvait être que par l’arithmétique binaire qu’il avait, à ce qu’il paraît, découverte avant Leibnitz.

Le système de Becher, malgré l’emploi de l’arithmétique binaire, n’aurait donné aucun bon résultat. Il aurait exigé autant de signaux que la répétition des feux de Polybe. D’après Chappe, il aurait fallu onze signaux pour exprimer un nombre de cinq chiffres[1].

Toutes ces tentatives ne pouvaient aboutir à aucun résultat utile, parce qu’elles ne reposaient point sur des expériences exactes.

Il en fut tout autrement de celles d’un physicien anglais, Robert Hooke, qui, à la fin du xviie siècle, exécuta et mit en pratique un télégraphe à signaux, qui peut être considéré comme le premier modèle du télégraphe aérien moderne.

Robert Hooke substitua aux drapeaux et aux pavillons, dont on avait fait souvent usage, des corps opaques de forme particulière, placés très-haut en l’air, et visibles à de grandes distances. Dans un Discours lu le 21 mars 1684, à la Société royale de Londres, Robert Hooke décrit avec beaucoup de soin l’appareil qu’il a inventé. Il insiste sur la manière de placer les stations à des distances convenables, sur le meilleur éclairage des machines, etc. Toutes ces observations dénotent un physicien habile.

La machine que Robert Hooke avait construite, consistait en un large écran, c’est-à-dire une planche peinte en noir, placée au milieu d’un châssis, et élevée à une grande distance en l’air. Divers signaux, de forme particulière, étaient cachés derrière l’écran, et servaient, quand on les faisait apparaître, à exprimer les lettres de l’alphabet. Quelques signaux n’exprimaient pas des lettres, mais des phrases convenues d’avance.

Fig. 6. — Télégraphe de Robert Hooke.

La figure 6 représente le télégraphe de Ro-

  1. Histoire de la télégraphie, page 44, et Mémoires de l’Académie des sciences de Paris, année 1741.