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On se procure le plaisir d’établir des correspondances avec les plus lointains pays : on s’informe à Alexandrie, de l’état des travaux du canal de Suez, et l’on demande à Saint-Pétersbourg des nouvelles de la santé du czar.


CHAPITRE V

la télégraphie électrique en france. — la télégraphie électrique à la chambre des députés en 1842. — arago et m. pouillet. — ligne d’essai sur le chemin de fer de paris à rouen en 1844. — la loi pour l’établissement d’une ligne de télégraphie électrique de paris à lille, devant la chambre des députés, en 1846. — le télégraphe foy-bréguet. — adoption du télégraphe morse en 1854. — progrès de la télégraphie en france. — une visite au poste central des télégraphes de paris.

La France a suivi de près l’Amérique et l’Angleterre dans l’adoption de la télégraphie électrique. Le monopole du télégraphe accordé, parmi nous, à l’État, mit quelques retards à l’adoption générale de ce nouveau système ; mais l’administration s’efforça de réparer le temps perdu. Elle a doté la France de la télégraphie électrique, à mesure que ses avantages pratiques étaient mis en évidence chez d’autres nations. C’est le tableau de cette substitution graduelle faite dans notre pays, du télégraphe électrique au télégraphe aérien, que nous allons tracer rapidement.

En 1841 une ligne télégraphique avait été construite en Angleterre, pour le service du chemin de fer du Great Western, entre Londres et la station de Slough, sur une longueur d’environ 6 lieues. L’établissement de cette ligne télégraphique chez nos voisins, fit ouvrir les yeux à l’administration française : M. Alphonse Foy s’empressa d’aller étudier sur les lieux ce nouveau système.

L’existence de la télégraphie électrique en Angleterre, fut signalée à la Chambre des députés, qui, malheureusement, n’y prêta pas grande attention. C’était au mois de juin 1842, à l’occasion d’une demande de crédit qui avait été faite à la Chambre pour expérimenter le système d’éclairage du télégraphe aérien, proposé par M. Jules Guyot, dans le but de créer une télégraphie nocturne. M. Pouillet, membre de l’Académie des sciences et professeur de physique à la Sorbonne, était rapporteur du projet, et recommandait vivement le système de M. Guyot. À cette occasion, Arago fit connaître le récent établissement de la télégraphie électrique en Angleterre, et les excellents résultats qu’elle promettait. M. Pouillet répondit que la question avait été examinée par la commission chargée d’étudier le projet de loi, mais que le télégraphe électrique « paraissait peu convenable et peu rationnel, » et qu’il fallait attendre.

On a dit que, dans cette discussion, M. Pouillet avait déclaré que la télégraphie électrique était « une utopie brillante qui ne se réaliserait jamais. » L’opposition faite par M. Pouillet à la télégraphie électrique, pour mieux défendre le système d’éclairage du télégraphe nocturne de M. Guyot, a été exagérée. Cet académicien ne pouvait dire que la télégraphie électrique n’était qu’une utopie irréalisable en pratique, puisqu’elle fonctionnait en ce moment même, de l’autre côté du détroit.

Toutefois la froideur, qu’un juge aussi compétent que M. Pouillet, témoignait à la télégraphie électrique, ne pouvait que retarder l’introduction de ce système en France. La télégraphie électrique trouvait donc parmi nous quelques partisans et beaucoup d’incrédules. Ce qui arrêtait, ce qui causait les scrupules de l’administration et du public, ce n’était point le principe de l’instrument en lui-même, mais bien la crainte de ne pouvoir défendre les fils contre la malveillance. On ne pouvait admettre qu’un immense fil conducteur tendu librement à travers les villes, ou