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phique romain. Sur l’un des bas-reliefs de la colonne Trajane, qui s’élève encore aujourd’hui à Rome, et qui nous conserve la précieuse reproduction des équipements, des armes et des machines de guerre employés chez les Romains, on voit sculpté l’un de ces postes télégraphiques (fig. 4). C’est une tour environnée d’une palissade. Elle est pourvue d’un balcon, et d’une fenêtre donnant passage à une torche enflammée.

Fig. 4. — Poste télégraphique romain d’après le bas-relief de la colonne Trajane à Rome.

L’art des signaux, dont nous venons de suivre les progrès chez les Grecs et les Romains, fut également mis en pratique chez les anciens peuples de l’Orient. Les Scythes faisaient usage de feux ou de fumée, comme moyen d’avertissement lointain.

Les Chinois, chez lesquels on trouve toujours quelque trace des inventions modernes de l’Occident, avaient placé des phares, ou machines à feu, sur leur grande muraille, longue de 188 lieues. Ils pouvaient ainsi donner l’alarme à toute la frontière qui les séparait des Tartares, lorsqu’une horde de ces peuples venait à les menacer.

Comme l’art de produire des feux d’une prodigieuse intensité a été connu de temps immémorial en Orient, on ne sera pas surpris d’apprendre que les Chinois et les Indiens fissent usage, comme signaux, de feux dont la lumière était si brillante, qu’elle perçait les brouillards et défiait les vents et la pluie.

À Constantinople, les signaux de feu placés sur une montagne voisine, annonçaient, en peu d’heures, les mouvements des Sarrasins. Le premier poste était près de Tarse. Venaient ensuite ceux des monts Argent, Isamus, Egésus, la colline de Mamas, le Cérisus, le Mocilus, la colline Auxentius, et le cadran du phare du palais[1].

Le plus énergique et le plus clair de tous les télégraphes physiques employés par les Orientaux, était celui de Tamerlan. Ce conquérant terrible, quand il faisait le siége d’une ville, n’employait que trois signaux.

Le premier était un drapeau blanc, et voulait dire : « Rendez-vous, j’userai de clémence. »

Le second jour, Tamerlan faisait arborer un drapeau rouge, qui signifiait : « Il faut du sang, le commandant de la place et les sous-officiers payeront de leur tête le temps qu’ils m’ont fait perdre. »

Le troisième et dernier signal était un drapeau noir, et voulait dire : « Que la ville se rende ou qu’elle soit prise d’assaut, je mettrai tout à feu et à sang. »

Mais revenons en Europe, pour suivre, à partir du moyen âge jusqu’à nos jours, les progrès de l’art télégraphique.



CHAPITRE II

l’art des signaux au moyen âge.

Polybe avait créé, chez les Grecs, l’art des signaux par l’invention du système alphabétique. Mais, comme nous l’avons fait re-

  1. Gibbon, Histoire de la décadence de l’empire romain, 14e vol., p. 410.