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vention de Watt, il lui offrit immédiatement les capitaux nécessaires pour les exploiter. Il proposait de se charger de toutes les dépenses, à la condition d’obtenir les deux tiers des bénéfices de l’entreprise.

Le marché fut accepté. James Watt commença à construire à Kinneil, aux environs de Borrowstones, une pompe à feu, qui fut placée à l’entrée d’un puits de mine, pour y servir à l’épuisement des eaux. Comme cette machine n’était qu’une sorte de dernier essai, Watt lui fit subir différentes modifications, jusqu’à ce qu’elle eût atteint un haut degré de perfectionnement. Pour s’assurer alors la propriété exclusive de ses inventions, il s’occupa d’obtenir un brevet qui lui concédât le privilége de la construction des machines à vapeur modifiées. Ce brevet lui fut accordé en 1769.

James Watt se disposait à créer un vaste établissement pour la construction des machines à vapeur, lorsque, à la suite de spéculations manquées, la fortune de Roebuck vint à recevoir de graves atteintes qui l’obligèrent d’abandonner cette entreprise. Watt, envers qui il se trouvait débiteur d’une somme assez importante, eut la générosité de rompre l’association et de le libérer de tout engagement. Ensuite, avec une modestie, une sérénité admirables, ce dernier reprit paisiblement le cours de ses occupations d’ingénieur.

Pendant quatre ans il se consacra exclusivement aux travaux de cette profession. Il traça les plans et dirigea la construction d’un canal destiné à porter à Glascow le charbon des mines de Monkland. Il dressa les projets de divers autres canaux, et se livra à des études relatives à certaines améliorations des ports d’Ayr, de Glascow et de Greenock. Il construisit les ponts d’Hamilton et de Rutherglen, et s’occupa enfin de l’exploration des terrains à travers lesquels devait passer le canal Calédonien. L’homme de génie, à qui l’Angleterre allait devoir, dans un délai prochain, les plus brillantes créations de la mécanique moderne, ne dédaignait pas de s’employer aux simples travaux d’un conducteur des ponts et chaussées.

Un coup terrible, qui vint le frapper à cette époque, contribua encore à éloigner de son esprit les grands projets qui l’avaient un instant séduit. Pendant qu’il se trouvait retenu dans le nord de l’Écosse, il eut la douleur de perdre sa douce et tendre compagne. Tout entier à ses regrets, Watt n’accordait plus une seule pensée à ses premiers travaux. Il semblait avoir oublié qu’il tenait dans ses mains la richesse future de son pays. Heureusement ses amis ne l’oubliaient pas.

En 1775, on réussit enfin à triompher de ses répugnances, et on le décida à se mettre en rapport avec le célèbre industriel Mathieu Boulton, de Birmingham.

Boulton possédait le génie de l’industrie autant peut-être que Watt celui de la mécanique. Il avait la réputation du plus riche, du plus habile et du plus entreprenant manufacturier de l’Angleterre. L’établissement qu’il avait fondé peu d’années auparavant à Soho, près de Birmingham, pour la fabrication de toutes sortes d’ouvrages de fer, d’acier, d’argenterie et de plaqué, était un des plus importants et des mieux tenus du royaume. À peine eut-il connaissance des modifications apportées à la machine à vapeur par l’ingénieur de Glascow, qu’il en devina tout l’avenir et n’hésita pas à mettre sa fortune entière à la disposition de l’inventeur. Il passa avec James Watt un acte d’association, et fit aussitôt construire une première machine de proportions considérables, qui fut établie dans son usine de Soho, afin que le public pût être témoin de ses effets.

Mais le brevet d’exploitation, pris en 1769 par James Watt, n’avait plus que quelques années à courir. On s’adressa donc au parlement, pour en obtenir la prolongation. Grâce au crédit et à l’activité de Boulton, le parlement consentit, non cependant sans de longues difficultés, à prolonger le privilége.