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perdue, puisqu’elle est uniquement employée à réchauffer le corps de pompe.

Watt constata que le modèle de Glascow usait, à chaque oscillation du piston, un volume de vapeur plusieurs fois supérieur au volume du cylindre, ce qui amenait la perte de la moitié du combustible employé.

Un second défaut inhérent à la machine de Newcomen, c’est que l’eau injectée dans le corps de pompe, pour y condenser la vapeur, s’échauffait elle-même en s’emparant du calorique latent de la vapeur condensée. Dès lors cette eau échauffée, fournissait des vapeurs, ce qui rendait le vide imparfait.

La résistance que le piston rencontrait dans la machine de Glascow, par suite de cette dernière circonstance, était équivalente, selon Watt, au quart de la pression atmosphérique.

Après avoir reconnu les vices de la machine de Newcomen, Watt pensa qu’il ne serait pas impossible de parer à ces défauts. Mais pour réaliser les perfectionnements dont cet appareil lui semblait susceptible, il fallait commencer par en fixer la théorie avec exactitude. C’est dans ce but que le jeune artiste se décida à entreprendre une série d’expériences relatives à la théorie des divers phénomènes sur lesquels repose l’emploi de la vapeur dans la pompe à feu. Il détermina donc, par expérience, la quantité de vapeur que fournit un poids donné de charbon, brûlé sous la chaudière d’une machine de Newcomen. Il rechercha ensuite, d’une manière générale, le volume de vapeur que produit un certain volume d’eau porté à l’ébullition, et il reconnut ainsi qu’un volume d’eau liquide fournit environ 1 700 volumes de vapeur.

Ce fut en se servant de simples fioles à l’usage des pharmaciens, que Watt parvint à fixer ce chiffre important, que les expériences des physiciens modernes, exécutées avec toute la précision et la rigueur de nos méthodes actuelles, n’ont pu que légèrement modifier.

Watt détermina également la quantité de chaleur mise en liberté par la condensation d’un certain volume d’eau, et c’est ici que la théorie de Black sur la chaleur latente, lui devint d’une haute utilité. Étonné de la grande quantité d’eau froide qu’il fallait injecter dans le cylindre de Newcomen pour y condenser la vapeur, et frappé de la chaleur considérable que cette eau empruntait au faible volume de vapeur contenu dans le cylindre, il cherchait inutilement à s’expliquer la cause de ce phénomène :

« J’en parlai alors, a écrit Watt lui-même, à mon ami, le docteur Black, qui me développa à cette occasion sa doctrine du calorique latent, dont il avait conçu l’idée quelques années auparavant. Absorbé moi-même par mes travaux et mes propres recherches, j’avais pu entendre parler de cette nouvelle doctrine sans y donner toute l’attention qu’elle méritait, jusqu’au moment où je me vis ainsi arrêté devant l’un des principaux faits sur lesquels repose cette admirable théorie[1]. »

Guidé par les vues de Joseph Black, Watt put déterminer la quantité d’eau froide qu’il fallait injecter dans le cylindre d’une pompe de Newcomen de dimensions connues, pour obtenir une condensation parfaite, et le volume de vapeur qu’une pareille machine dépense à chaque oscillation du piston. Enfin, comme la force élastique de la vapeur s’accroît avec la température, il essaya, sans prétendre cependant résoudre en entier une question si difficile, de déterminer la force élastique de la vapeur qui correspond à chaque degré du thermomètre.

Ainsi le jeune et pauvre fabricant d’instruments de l’université de Glascow se trouvait sérieusement engagé dans le grand problème du perfectionnement de la machine de Newcomen, question qui commençait alors à occuper un grand nombre d’ingénieurs distingués.

En effet, malgré tous ses défauts et la dépense énorme de combustible qu’elle entraî-

  1. Addition de Watt à l’article Steam Engine du Philosophical Magazine de Robison, t. II, p. 117.