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des lois de la chaleur avec des moyens rigoureux d’observation, et, grâce à leur emploi, la théorie du calorique ne tarda pas à se constituer.

C’est au physicien écossais Joseph Black, professeur à l’université de Glascow, que revient l’honneur d’avoir fondé la théorie générale de la chaleur. Après avoir confirmé par l’expérience la vérité de l’opinion d’Amontons touchant la cause de l’état physique des corps, Joseph Black créa, par une suite d’observations et de mesures précises, la théorie du calorique latent et celle du calorique spécifique. La première de ces théories était appelée à jeter la plus vive lumière sur les phénomènes qui accompagnent la vaporisation des liquides et la condensation des vapeurs. Elle se résume dans l’expérience suivante exécutée par Black en 1762.

Si l’on prend 1 kilogramme d’eau à la température de 79 degrés et 1 kilogramme d’eau à la température de zéro degré, et qu’on les mêle, le thermomètre, plongé dans ce mélange, indique 39°,5, c’est-à-dire la moyenne entre les températures des deux liquides mélangés à poids égaux. Mais le résultat sera tout autre si, au lieu d’employer de l’eau liquide à zéro degré, on emploie de la glace, c’est-à-dire de l’eau présentant toujours la température de zéro degré, mais offrant la forme solide.

Quand on mêle, en effet, 1 kilogramme de glace à zéro degré et 1 kilogramme d’eau chauffée à 79 degrés, on observe que la glace se fond et que le mélange tout entier devient liquide. Mais si l’on prend la température du mélange, on reconnaît qu’au lieu d’être, comme dans l’expérience précédente, la moyenne entre les deux températures, elle est seulement de zéro degré. Les 79 degrés de chaleur que renfermait le kilogramme d’eau ont ainsi disparu sans laisser de traces ; seulement la glace s’est fondue, et le mélange a pris la forme liquide. Que conclure de ce fait remarquable ? C’est que le kilogramme de glace a dû absorber, pour se fondre, les 79 degrés de chaleur qui ont disparu, et que cette quantité de calorique a été employée à déterminer sa fusion, puisque la température n’a pas varié. Ainsi 1 kilogramme d’eau solide a besoin pour se liquéfier, d’absorber 79 degrés de chaleur. En d’autres termes, 1 kilogramme d’eau liquide diffère d’un même poids d’eau solidifiée, en ce qu’elle contient 79 degrés de chaleur de plus que cette dernière.

Mais cette chaleur n’est pas appréciable à nos organes ; elle n’est pas accusée par le thermomètre : elle est latente. C’est pour cela que Black, et avec lui tous les physiciens modernes, donnent le nom de chaleur latente à cette quantité de calorique qui n’affecte pas le thermomètre, et qui est nécessaire pour provoquer le changement d’état des corps[1].

Les phénomènes qui s’observent pendant le passage d’un corps de l’état solide à l’état liquide, se reproduisent quand un liquide passe à l’état de vapeur. Pour se vaporiser, tous les liquides ont besoin d’absorber une quantité déterminée de calorique. Aussi la vapeur d’eau à 100 degrés diffère-t-elle de l’eau liquide à la même température, en ce qu’elle renferme une quantité considérable de calorique dissimulé, ou latent, qui la maintient à l’état de fluide élastique. En effet, lorsque la vapeur d’eau se condense, elle rend subitement libre tout le calorique latent qu’elle contenait, et cette quantité est très-considérable, puisque l’on a reconnu que 1 kilogramme de vapeur d’eau à la température de 100 degrés met en liberté, en revenant à l’état liquide, une quantité de calorique suffisante pour porter à l’ébullition 5kil,35 d’eau à zéro.

Telles sont les simples et grandes vérités mises en évidence par les expériences de Joseph

  1. Quand l’eau se congèle, elle met en liberté sa chaleur latente. On peut, en effet, constater par l’expérience, qu’en se solidifiant, 1 kilogramme d’eau à zéro degré, abandonne 79 degrés de chaleur.