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lante, qu’Amontons avait reconnue le premier comme un terme constant.

Mais cet instrument présentait, dans la pratique, toutes les difficultés qui se rattachent à l’emploi du thermomètre à gaz, et qui dépendent surtout de la dilatation trop considérable que les fluides élastiques éprouvent par l’action de la chaleur. Il exigeait la correction de la hauteur barométrique, et de plus, comme il avait au moins quatre pieds (1m,299) de long, il était assez difficile à manier, à cause de son poids et de sa fragilité.

Le problème de la construction d’un thermomètre comparable, exact, sensible et commode, présentait, on le voit, des difficultés de plus d’un genre. Ce ne fut qu’en 1714 qu’il fut à peu près résolu par un fabricant d’instruments de Dantzig, nommé Gabriel Fahrenheit.

Dans ses premiers thermomètres, l’artiste allemand avait adopté l’alcool comme liquide thermométrique ; mais il eut plus tard l’heureuse idée de choisir le mercure. Ce métal, employé comme agent de mesure pour la chaleur, réunit en effet toutes les conditions désirables. Il n’entre en ébullition qu’à une température très-élevée, et peut servir, par conséquent, à mesurer la chaleur dans des termes fort étendus ; — il ne se congèle qu’à une température qui ne se présente jamais dans nos régions ; — enfin, et c’est là le point capital pour son application comme agent thermométrique, il se dilate uniformément, c’est-à-dire que son augmentation de volume est exactement proportionnelle, au moins dans une échelle très-étendue, à la quantité de calorique qu’il reçoit. Les points fixes choisis par Fahrenheit étaient l’ébullition de l’eau pour le terme supérieur, et pour le terme inférieur, le point auquel l’instrument s’arrêtait quand il le plongeait dans un mélange de sel ammoniac et de neige, mélange dont il n’a jamais fait connaître, d’ailleurs, les proportions relatives. L’intervalle qui séparait ces deux points était divisé en 212 parties, de telle sorte que le point de la congélation de l’eau correspondait à 32 degrés, celui de la température du corps humain à 96 degrés, celui de l’ébullition de l’eau à 212 degrés. La plupart de ses thermomètres n’étaient pas gradués au delà de 96 degrés[1].

Le thermomètre de Fahrenheit fut immédiatement adopté en Angleterre et en Allemagne, où il est encore en usage aujourd’hui. En France, on se servit de préférence du thermomètre construit, vers 1730, par Réaumur, qui choisit pour les deux points fixes, le terme de la glace fondante et celui de l’ébullition de l’eau, et divisa l’entre-deux en 80 parties égales.

Enfin Celsius, professeur à Upsal, construisit, en 1741, le thermomètre que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de thermomètre centigrade ou de Celsius. Il divisa en 100 parties égales l’intervalle entre les deux points fixes de la glace fondante et de l’ébullition de l’eau[2].

La physique possédait enfin un instrument qui permettait de mesurer les phénomènes calorifiques. On pouvait donc aborder l’étude

  1. Cette division en 212 parties, en apparence assez arbitraire, avait été adoptée par Fahrenheit parce qu’il avait trouvé par expérience que 11 124 parties de mercure, en volume, chauffées depuis le terme 0 jusqu’à l’eau bouillante, se dilatent au point d’en constituer alors 11 336, c’est-à-dire de présenter une dilatation de 212 parties en volume.
  2. C’est le physicien Celsius qui détermina les physiciens à abandonner, pour la graduation du thermomètre, la considération du volume de la liqueur enfermée dans l’instrument, et à s’en tenir aux points fixes sans avoir égard à la dilatation du liquide qu’il contient. Fahrenheit et Réaumur avaient, au contraire, établi la division de leur instrument en comparant la grandeur de chaque degré à la masse totale du liquide renfermé dans le réservoir. Ainsi, chaque degré de l’échelle du thermomètre à alcool de Réaumur indiquait que la liqueur s’était dilatée d’un millième de son volume à zéro, et chaque degré du thermomètre de Fahrenheit représentait une dilatation de 1/212. Un Genevois, nommé Ducrest, avait émis cette idée une année avant Celsius ; mais le point fixe qu’il avait choisi était fautif, puisqu’il l’avait déterminé en plaçant simplement l’instrument dans les caves de l’Observatoire de Paris. En choisissant pour le terme 0 le point de la glace fondante, Celsius donnait à son thermomètre un point fixe qui réunissait tous les avantages possibles par la certitude de ce terme, par sa constance et par la facilité de le reproduire en toute occasion. C’est donc au physicien suédois qu’il convient de faire honneur de la perfection que le thermomètre présente de nos jours.