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détacher des pôles de la pile. Ainsi, par exemple, il suspendit verticalement aux colonnes métalliques H, H′, un rectangle de fil de cuivre defg (fig. 384), dont les extrémités redressées et terminées en crochets a, b, plongeaient dans de petits godets pleins de mercure. Ce rectangle pouvait donc tourner librement autour d’un axe vertical, sans que le courant fût interrompu dans le circuit dont le rectangle faisait partie.

Cet appareil permit à Ampère de constater l’action mutuelle de deux courants, phénomène qu’il avait deviné à priori, et le 18 septembre 1820, c’est-à-dire une semaine après l’annonce de la découverte d’Œrsted à l’Académie des sciences, Ampère faisait déjà connaître la sienne. « Je ne sais, dit Arago, si le vaste champ de la physique offrit jamais une si belle découverte, conçue, faite et complétée avec tant de rapidité. »

Ampère avait trouvé que deux courants parallèles s’attirent quand ils sont de même sens, et se repoussent lorsqu’ils vont en sens contraire. Ce fait inattendu forme la base de l’électro-dynamique. On voit qu’il est en opposition avec les faits connus jusqu’alors en électricité. En effet, tandis que les corps chargés d’électricité ou de magnétisme de même nom, se repoussent, les courants semblables, loin de se repousser, comme les corps électrisés, s’attirent. Les courants inverses se repoussent, tandis que les électricités contraires ou les pôles opposés de deux aimants, s’attirent, comme tout le monde le sait. Cette différence essentielle entre les deux sortes de phénomènes, constitue un des côtés les plus nouveaux de l’électricité dynamique.

Quelques savants, jaloux de la gloire naissante d’Ampère, prétendirent que l’action mutuelle des courants aurait pu se prévoir d’après le principe de l’action et de la réaction, puisque chacun des fils, pris séparément, agit sur l’aiguille aimantée. Ces détracteurs furent réduits au silence par l’argument suivant, dû à Arago :

« Voilà, leur dit-il, deux clefs en fer doux. Chacune d’elles attire cette boussole : si vous ne me prouvez pas que, mises en présence l’une de l’autre, ces clefs s’attirent ou se repoussent, le point de départ de vos objections est faux. »

À cet argument, il n’y avait rien à répliquer.

Ampère se mit alors à chercher la théorie mathématique de ces phénomènes compliqués. Il la trouva en étudiant divers états d’équilibre entre des fils conjonctifs de certaines formes, placés l’un devant l’autre. Il démontra par ces observations, que l’action réciproque des éléments de deux courants s’exerce suivant la ligne qui unit leurs centres ; qu’elle dépend de leur inclinaison mutuelle, et qu’elle varie d’intensité dans le rapport inverse des carrés des distances.

Armé de cette loi fondamentale, Ampère aborda le problème général des actions électro-dynamiques, et il ne tarda pas à déduire de ses formules ce résultat remarquable : Qu’une suite de courants circulaires mobiles, mis en présence d’un courant rectiligne, tendraient à se placer parallèlement à ce dernier, — et que si ces mêmes courants circulaires étaient enfilés sur un axe horizontal mobile, ils l’entraîneraient et le forceraient à se placer en croix par rapport au courant rectiligne.

Ce résultat donne la clef des phénomènes électro-magnétiques. Il explique la direction en croix de l’aiguille aimantée par rapport à un courant rectiligne, en supposant que chaque aimant soit un système de courants circulaires.

Ampère s’empressa de soumettre à l’épreuve de l’expérience cette conception ingénieuse. Il imita un système de courants circulaires fermés, en faisant traverser par un courant un fil enveloppé de soie et plié en hélice à spires très-resserrées CD (fig. 385).

Deux physiciens allemands, MM. Schweigger et Poggendorff, avaient découvert qu’il est facile d’isoler le courant, dans un fil métallique, en le recouvrant de soie ou d’un vernis résineux, sans que cet isolement empêchât les