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que la pile ne saurait être considérée comme un corps aimanté.

Un programme du cours d’Ampère, imprimé en 1802, porte encore la mention suivante : « Le professeur démontrera que les phénomènes électriques et magnétiques sont dus à deux fluides différents, et qui agissent indépendamment l’un de l’autre[1]. » Quelle était donc cette preuve établissant la différence de ces deux fluides, et qui était présentée par Ampère, c’est-à-dire par le physicien même qui, plus tard, devait démontrer l’identité de ces deux forces, par la théorie mathématique ?

Muncke et Gruner s’efforcèrent de produire des effets comparables à ceux de la pile, à l’aide de puissantes batteries magnétiques. Mais leurs tentatives échouèrent.

Ils cherchèrent ensuite à reconnaître si des piles voltaïques très-petites et très-mobiles seraient déviées, comme un aimant, par la décharge de grandes batteries magnétiques. Mais ici encore leurs efforts furent inutiles. Une pile, même de très-petites dimensions, flottant sur l’eau, ne bougeait pas, quand on déchargeait dans le voisinage de ses pôles, toute une batterie électrique.

Ces deux physiciens auraient réussi dans leur expérience s’ils avaient retourné le problème. Il fallait, comme le fit plus tard, Œrsted, opérer avec des piles puissantes, qu’on aurait rapprochées d’aimants mobiles, de petites dimensions, c’est-à-dire d’une aiguille aimantée. Mais cette idée ne se présenta pas à nos deux physiciens.

Malgré l’insuccès des expériences de Muncke et de Gruner, les idées de Ritter concernant l’identité de l’électricité et du magnétisme, s’enracinèrent chaque jour davantage dans les esprits. Ritter savait les présenter avec une faconde persuasive, qui faisait oublier les difficultés très-réelles, et les objections que soulevait sa théorie.

Tout le monde alors voulait travailler à la solution du grand problème.

« Le galvanisme, écrivait un anonyme au Monthly Magazine en avril 1802, est, pour le moment, la grande occupation de tous les chimistes et physiciens allemands. À Vienne, on a annoncé une découverte importante : un aimant artificiel, employé à la place de la pile voltaïque, décomposerait l’eau aussi bien que celle-ci ou que la machine électrique. On en conclut que les fluides électrique, galvanique et magnétique sont les mêmes. »

Que signifie cette annonce mystérieuse ? Faut-il y voir la preuve d’une découverte aussitôt oubliée que produite ? N’est-ce que l’invention d’un chroniqueur, qui réalise prématurément et de sa propre autorité, les secrètes espérances d’une foule de chercheurs ? Il est impossible aujourd’hui de décider cette question ; mais les lignes qui précèdent n’en sont pas moins intéressantes pour l’histoire de l’électro-magnétisme.

Il nous reste à mentionner un dernier fait, précurseur de l’immortelle découverte d’Œrsted. C’est l’observation curieuse qu’un physicien italien, Jean-Dominique Romagnosi, fit en 1802. Joseph Izarn a rapporté cette observation dans un ouvrage publié en 1804 [2].

« D’après les observations de Romagnosi, dit cet auteur, l’aiguille déjà aimantée, et que l’on soumet ainsi au courant électrique, éprouve une déclinaison ; et d’après celles de Mojon, savant chimiste de Gènes, les aiguilles non aimantées acquièrent par ce moyen une sorte de polarité magnétique. »

De son côté, Aldini, dans son ouvrage, sur le galvanisme[3], fait mention de ces mêmes expériences, dans les termes suivants :

« Mojon, dit-il, a magnétisé des aiguilles à coudre, de la longueur de deux pouces, par un appareil à tasses de cent verres. Cette nouvelle propriété du galvanisme a été constatée par d’autres observateurs, et dernièrement, par M. Romagnosi, qui a reconnu que le galvanisme faisait décliner l’aiguille aimantée. »

  1. Arago, Notice biographique sur Ampère, Œuvres, vol. II, p. 50.
  2. Izarn, Manuel du galvanisme, Paris, 1804, p. 120.
  3. Jean Aldini, Essai théorique et pratique sur le galvanisme avec une série d’expériences faites en présence des commissaires de l’Institut national de France. Paris, 1804, t. I, p. 340.