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fer saturé d’électricité, le docteur Marat cherche, dès le premier chapitre de son ouvrage, à établir cette proposition que « le fluide électrique et le fluide magnétique diffèrent essentiellement ». On éprouve quelque satisfaction à voir le féroce terroriste faire ainsi de la science à contre-sens et de la physique à rebrousse-poil !

Les hommes éclairés ne pouvaient se dissimuler le peu de valeur de ces spéculations philosophiques. En effet, l’analogie qui existe entre l’action magnétique et celle que les substances électrisées exercent sur les corps légers, restait toujours, malgré toutes les dissertations contraires des rhéteurs et des physiciens de la force de Marat, comme un indice de l’existence de rapports très-intimes entre ces deux classes de phénomènes.

Le Père Cotte, après avoir énuméré, dans son Traité de météorologie, une série de points de ressemblance qu’il découvre entre les corps électrisés et l’aimant, s’exprime comme il suit :

« Ces différents traits d’analogie entre les matières électriques et magnétiques, me font soupçonner que ces deux matières n’en font qu’une, diversement modifiée et susceptible de différents effets, dont on commence à apercevoir l’unité de cause et de principe. Ce n’est donc qu’une conjecture, que l’expérience et l’observation convertiront peut-être un jour en certitude. »

Lacépède et le physicien italien Cigna, admettaient également une étroite ressemblance entre la force électrique et la force magnétique, sans vouloir pourtant les identifier.

Lacépède fait remarquer le rapport intime qui semble exister entre les causes des phénomènes électriques et celles des phénomènes magnétiques ; mais il se hâte d’établir une distinction, qui ne laisse pas que d’être assez amusante. L’élément du feu, lorsqu’il se combine avec l’air, produit la lumière ; combiné avec l’eau, il donne naissance au fluide électrique ; combiné avec la terre, il produit le fluide magnétique[1].

Ainsi, l’électricité pour Lacépède n’est autre chose que du feu humide ! Je ne sais si le lecteur se rend compte de ce que peut être un feu humide. Pour moi, je ne saurais m’en faire l’idée.

Ces théories, ou plutôt ces spéculations, furent combattues avec beaucoup de sagacité, par un savant hollandais, Van Swinden, dans une série de mémoires qu’il fit paraître en 1785[2]. Dépassant le but, Van Swinden va jusqu’à nier toute analogie entre l’électricité et le magnétisme. Il s’efforce de réfuter les arguments qu’on a émis en faveur de cette analogie, et notamment celui qui repose sur l’influence que les aurores boréales et la foudre exercent sur l’aiguille aimantée. C’était là pourtant un argument d’une valeur très-réelle, le meilleur peut-être qu’on pût trouver à cette époque.

Tel était l’état de la science au commencement du siècle actuel, quand Volta découvrit l’instrument admirable qui porte son nom. Les physiciens ne pouvaient tarder à reconnaître la grande analogie qui existe entre les phénomènes du courant voltaïque et les effets des aimants. Les deux électricités contraires accumulées aux deux bouts des conducteurs de la pile, offraient, en quelque sorte, le simulacre des pôles d’un aimant.

Aussi le physicien allemand J. W. Ritter ne craignit-il pas d’émettre cette opinion, que la pile est un véritable aimant, pourvu d’un pôle positif et d’un pôle négatif. Mais, cette assimilation forcée, vu l’absence totale de démonstrations à l’appui, était en contradiction flagrante avec l’expérience, comme le prouvèrent bientôt plusieurs observateurs.

Il faut dire, d’ailleurs, que l’identité des causes n’entraîne pas l’identité des effets, et

  1. Essais sur l’électricité, vol. II, p. 37.
  2. Analogie de l’électricité et du magnétisme. (Recueil de mémoires, couronnés par l’Académie de Bavière.) La Haye, 1785, 2 vol. in-8.