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mosphérique. Mais l’Allemagne accordait alors une trop faible part à l’industrie, pour offrir un théâtre favorable au développement de ses idées. Ses projets ne pouvaient, à la même époque, trouver en France un accueil plus avantageux. Épuisée d’hommes et d’argent par trente années de guerre, la France voyait chaque jour dépérir son commerce. La révocation de l’édit de Nantes lui avait porté un coup irréparable, en la privant, suivant les termes du mémoire de d’Aguesseau, « dans toutes sortes d’arts, des plus habiles ouvriers, ainsi que des plus riches négociants, qui étaient de la religion réformée ».

L’Angleterre se trouvait dans des conditions toutes différentes. Depuis la restauration de la maison des Stuarts, le commerce et l’industrie y recevaient un développement chaque jour plus rapide. À l’ombre de la paix et d’une administration intelligente, cette grande nation commençait à tirer parti des richesses accumulées sous son sol. Les mines de houille, répandues en Angleterre avec une profusion extraordinaire, forment, comme on le sait, l’une des sources les plus importantes des revenus du pays. Depuis plusieurs années, leur exploitation se poursuivait avec ardeur. Mais en raison des dispositions géologiques de la plupart des terrains houillers de la Grande-Bretagne, d’immenses courants d’eau viennent à chaque instant alterner avec les couches du minerai. Ces nappes d’eaux souterraines apportaient les obstacles les plus graves à l’extraction du combustible, et la profondeur croissante des mines ajoutait de jour en jour à ces inconvénients et à ces dangers. Les moyens, souvent insuffisants, mis en usage pour l’épuisement des eaux, occasionnaient partout des dépenses énormes, et ces difficultés commençaient à éveiller les inquiétudes de la nation toute entière.

L’annonce d’un moteur nouveau, puissant et économique, ne pouvait donc être accueillie avec indifférence au milieu d’un peuple qui voyait sa prospérité ou sa ruine suspendues à cette question.

Thomas Savery, ancien ouvrier des mines, devenu capitaine de marine et très-habile ingénieur, s’occupait depuis longtemps de l’étude des moyens mécaniques applicables au desséchement des houillères, lorsqu’il eut connaissance des travaux de Papin. Mais les idées de ce dernier étaient devenues, en Angleterre, l’objet de vives critiques. Robert Hooke, comme nous l’avons vu, avait fait ressortir tous les défauts de sa machine atmosphérique. Les attaques de Robert Hooke étaient d’ailleurs parfaitement justifiées par les grossières dispositions de l’appareil de Papin, considéré comme machine motrice : la nécessité d’approcher et de retirer le feu à chaque instant, l’action nuisible que la chaleur aurait exercée sur les parois extérieures du cylindre, la lenteur, presque ridicule, des mouvements du piston, qui ne pouvait fournir plus d’une oscillation par minute, étaient autant d’obstacles évidents à son application à l’industrie. Mais le critique anglais, égaré par ces objections de détail, méconnaissait la grande pensée de Papin, qui, en imaginant de faire le vide dans un cylindre par la condensation de la vapeur d’eau, dotait la mécanique de l’idée la plus grande et la plus neuve que l’histoire de cette science eût jamais enregistrée.

L’argumentation et les reproches de Robert Hooke donnèrent le change à Thomas Savery. Au lieu de se borner à faire subir à la machine de Papin quelques modifications très-simples qui auraient permis de la transporter immédiatement dans la pratique, il voulut construire une machine à vapeur fondée sur un principe tout différent. Laissant de côté le cylindre et le piston, il fabriqua un modèle de machine dans laquelle il combina le vide produit par la condensation de la vapeur, avec l’emploi direct de sa force élastique. Dans sa nouvelle machine, l’eau s’élevait d’abord par aspiration lorsqu’on produisait le vide au-dessus ; ensuite elle était lancée dans un tube vertical par la pression directe d’un nouveau