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inférieure de manière à pouvoir contenir un liquide. L’assemblage de ces deux vases D et V est partagé de cette manière en deux capacités qui ne peuvent communiquer entre elles qu’à travers les parois poreuses et perméables du cylindre D. Dans ce vase intérieur D, on place une dissolution saturée de sulfate de cuivre, et l’on y introduit une lame de cuivre C, enroulée cylindriquement. Dans le vase extérieur V, on verse de l’acide sulfurique étendu d’eau, et l’on plonge dans ce liquide un cylindre creux de zinc Z, préalablement amalgamé[1].

Fig. 363. — Un couple de la pile de Daniell.

Dans la pile ainsi disposée, aucun dégagement d’électricité ne se manifeste, en raison de l’amalgamation du zinc ; mais dès que la communication est établie entre les deux conducteurs, l’action chimique commence ; l’eau est décomposée, son oxygène se porte sur le zinc, et son hydrogène, réagissant sur la dissolution du sulfate de cuivre, se combine avec l’oxygène du cuivre pour former de l’eau, tandis que le cuivre réduit vient former sur les parois du cylindre de cuivre C un dépôt métallique pulvérulent et sans adhérence. Le cylindre de zinc Z est le pôle négatif, et le cylindre de cuivre C le pôle positif.

Pour que le courant électrique de la pile de Daniell demeure constant, il faut que les éléments qui réagissent chimiquement les uns sur les autres restent au même état de saturation. C’est ce qui n’arriverait pas avec l’appareil disposé comme nous venons de l’indiquer, si l’on n’avait recours à certaines précautions. En effet, la dissolution de sulfate de cuivre placée dans l’intérieur du vase D s’appauvrit graduellement par la réduction d’une partie de l’oxyde du sulfate de cuivre qu’il renferme à l’état de dissolution aqueuse. D’autre part, l’acide sulfurique étendu, contenu dans l’intérieur du vase V, perd progressivement de son acidité, par suite de la formation du sulfate de zinc aux dépens de la lame de zinc immergée dans cet acide. Lorsque le couple de Daniell doit rester longtemps en action, il faut donc s’arranger pour conserver aux liquides leur composition normale. Pour cela, on place des cristaux de sulfate de cuivre contenus dans un petit sac perméable, à la partie supérieure du vase D, en

  1. L’emploi dans les piles à deux liquides, du zinc amalgamé, c’est-à-dire frotté avec du mercure, qui forme à sa surface extérieure une légère couche d’amalgame, permet de laisser séjourner le zinc dans l’acide sulfurique étendu sans qu’une action chimique, et par conséquent le courant électrique, commence à s’établir : le courant ne se forme et la pile ne se met en activité que quand on fait communiquer les deux conducteurs. Cette propriété du zinc amalgamé a été découverte par M. Kemp, physicien anglais, aujourd’hui peu connu (1). L’amalgamation du zinc offre ce grand avantage pratique que, tant que le circuit voltaïque n’est pas établi, c’est-à-dire tant que les deux pôles opposés ne sont pas mis en communication, le zinc n’est pas attaqué ; il ne l’est que dès le moment où l’on complète le circuit. On peut dire que c’est là l’une des acquisitions les plus importantes dont la pile voltaïque se soit enrichie depuis sa création. On a observé, d’ailleurs, qu’avec le zinc amalgamé le courant est plus régulier et en même temps plus intense pour une même quantité de métal dissous.

    Un fait du même genre a été signalé en 1830 par M. de La Rive. Ce physicien a découvert que le zinc pur est à peine attaqué par l’acide sulfurique, mais qu’il est attaqué immédiatement avec une grande énergie si l’on vient à le toucher avec une lame de platine, de cuivre, de plomb, d’étain, de fer, ou même avec une substance non métallique, mais conductrice de l’électricité, comme le charbon calciné. C’est là, on le voit, un phénomène tout semblable à celui qui s’observe dans les piles voltaïques où l’on fait usage de zinc amalgamé. Le zinc amalgamé a la propriété du zinc pur, c’est-à-dire n’est pas attaquable par l’acide sulfurique ; mais il est immédiatement attaqué dès qu’il se trouve en contact avec un fil de cuivre ou de platine plongeant aussi dans la dissolution, c’est-à-dire dès qu’il fait partie d’un couple en activité.

    (1) Jameson’s Edinburgh Journal, October 1828.