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Cependant beaucoup de faits, restés indécis, avaient besoin d’être discutés sévèrement pour être réduits à leurs résultats certains. Les découvertes acquises à la science, par un si grand nombre d’observations éparses et multipliées, avaient besoin d’être rassemblées en un faisceau commun. Il fallait réunir les rayons divergents de ces lumières nouvelles pour les concentrer en un même point, et en composer un puissant flambeau propre à éclairer la route de l’avenir.

C’est à Humphry Davy qu’appartenait cette tâche magnifique. C’est ce savant illustre qui, embrassant dans leur ensemble toutes les découvertes faites jusqu’à cette époque concernant l’action chimique de la pile, sut les rattacher par un lien commun, les éclairer d’un jour nouveau, et, par leur application à la chimie, changer la face de cette science.

Le 29 décembre 1806 marque la date d’une grande époque dans l’histoire de l’électricité. C’est ce jour-là, en effet, que Davy, dans la Lecture Bakérienne de cette année, donna communication au monde savant de son admirable mémoire sur le mode d’action chimique de l’électricité[1].

Voici les divisions principales du mémoire de Davy :

I. Sur les changements produits dans l’eau par l’électricité. — II. Sur l’action de l’électricité dans la décomposition de divers corps composés. — III. Sur le transport de certaines parties constituantes des corps, par l’action de l’électricité. — IV. Sur le passage des acides, des alcalis et autres substances à travers divers menstrues chimiques, au moyen de l’électricité. — V. Observations générales sur tous ces phénomènes et sur le mode de décomposition et de transport. — VI. Sur les principes généraux des changements chimiques produits par l’électricité. — VII. — Sur les relations qui existent entre les actions électriques des corps et leurs affinités chimiques. — VIII. — Sur le mode d’action de la pile de Volta, avec les éclaircissements que donne l’expérience. — IX. Généralisation et application des faits et des principes précédents[2].

Le mémoire de Davy débutait par l’étude de la décomposition électro-chimique de l’eau. Depuis plusieurs années, en effet, ce phénomène était devenu l’objet d’une foule d’observations contradictoires, qui avaient jeté une grande confusion sur ce sujet. Lavoisier avait établi, par ses expériences purement chimiques, la véritable composition de l’eau. Soumettant ce liquide à l’action d’un courant électrique, Nicholson et Carlisle avaient confirmé cette grande découverte de Lavoisier ; ils avaient vu l’hydrogène se rendre au pôle négatif et l’oxygène au pôle positif. Les mêmes expérimentateurs avaient constaté aussi les rapports simples qui existent entre les volumes des deux gaz obtenus. Mais les personnes qui voient aujourd’hui la décomposition de l’eau s’exécuter dans nos laboratoires, d’une manière si simple et si facile, auraient peut-être beaucoup de peine à comprendre les défiances, les oppositions de toutes sortes qui, à l’origine, accueillirent ce fait capital. Le phénomène était loin de se présenter alors avec la netteté que nous lui voyons maintenant. En même temps, en effet, que l’oxygène et l’hydrogène apparaissaient, on voyait se produire au pôle positif un acide, et une base au pôle négatif. La nature de cette base et de cet acide variaient d’ailleurs suivant l’espèce des vases employés. De là une confusion inexprimable. La composition de l’eau n’était pas encore universellement admise ; il restait quelques esprits aveugles qui s’obstinaient à nier la découverte de Lavoisier. Ces bases et ces acides, qui formaient l’escorte obligée des deux gaz, compliquaient encore cette première difficulté, et jetaient les esprits dans un trouble extraordinaire. On trouvait dans ce fait matière aux opinions les plus étranges, et à

  1. Baker, savant anglais, mort en 1774, fonda une rente annuelle de cent livres sterling pour un discours qui serait prononcé par un des membres de la Société royale sur un sujet important de philosophie naturelle. Davy fut chargé cinq ans de suite, de 1806 à 1810, de la Lecture Bakérienne.
  2. Philosophical Transactions, 1807. — Annales de chimie, t. LXIII, p. 172.