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rant électrique traduit expressivement la douleur à gauche et l’extase à droite.

La quatrième enfin, l’expression de la méchanceté ou de la haine.

Ces quatre figures sont l’exacte reproduction des photographies prises par M. Duchenne (de Boulogne) pendant les expériences auxquelles la même femme a été successivement soumise.

Si nous avons décrit avec d’assez longs détails les expériences dans lesquelles on a mis en jeu, par l’action du galvanisme, les muscles des hommes et des animaux, si nous avons insisté sur les expériences d’Aldini et du docteur Ure qui ont provoqué, par l’usage de la pile, des mouvements violents de l’action musculaire sur les cadavres, à peine refroidis, d’hommes ou d’animaux, ce n’est pas dans le vain désir d’exciter par des ressorts grossiers l’intérêt ou la curiosité du lecteur. Selon nous, on a trop vite prononcé sur le peu de valeur scientifique de ces phénomènes. On a trop vite coupé court aux difficultés qu’ils soulèvent, en déclarant que l’électricité n’agit dans ce cas que comme un stimulant ordinaire, et qu’elle provoque les mouvements musculaires sur les animaux récemment mis à mort comme pourrait le faire à sa place tout autre excitant. En portant ce jugement, si généralement accepté aujourd’hui, on n’a pas tenu assez compte des faits nombreux et extraordinaires qui ont été observés. Il nous semble difficile d’admettre que l’électricité agisse, dans les cas de ce genre, comme un autre stimulant. Il n’est point de stimulant chimique capable de réveiller la sensibilité et la contractilité musculaires avec un tel degré de puissance, et d’une manière si en harmonie avec les mouvements qui s’accomplissent pendant la vie. La meilleure réponse à faire à cette explication, c’est que, lorsque Jean Aldini se livrait aux expériences dont nous avons rapporté les résultats, il attendait toujours, pour commencer ses opérations, que les organes de l’animal fussent devenus insensibles à l’action des excitants ordinaires ; il n’administrait le galvanisme que lorsque toute sensibilité par les irritants mécaniques ou chimiques, tels que l’ammoniaque, les acides, etc., avait entièrement disparu. L’électricité n’agit donc point, comme on l’a dit tant de fois, à la manière d’un stimulant ordinaire, puisque son action s’exerce sur nos organes lorsque tout autre moyen de stimulation n’éveille plus aucune impression.

Si l’on réfléchit maintenant qu’avec le courant électrique on a réveillé sur le cadavre les sécrétions organiques, — qu’Aldini a provoqué sur le corps d’animaux décapités la sécrétion salivaire en faisant agir l’électricité sur les glandes parotides[1], — que le docteur Wilson Philip a rétabli par le même moyen, sur des lapins vivants, les fonctions suspendues de la respiration et de la digestion[2] ; — si l’on se rappelle que des appareils spéciaux pour la production de l’électricité existent dans quelques animaux, entre autres chez le gymnote, la torpille, le silure et la raie ; — que les travaux des physiologistes de nos jours ont mis hors de doute l’existence d’un courant propre dans les muscles et les nerfs des animaux ; — que M. Du Bois Raymond, de Berlin, qui s’est tant occupé, à notre époque, de ce genre de phénomènes, montre très-facilement par l’expérience, à l’aide du galvanomètre, la production d’un courant électrique pendant la contraction des muscles, chez l’homme ; — on demeurera convaincu que cet ensemble de faits, qui se rattachent aux questions les plus élevées de la physiologie générale, mérite un examen très-approfondi. Nous ne voulons pas discuter ici la grande question de l’identité ou de l’analogie du fluide électrique avec l’influx nerveux qui anime le corps des animaux, et nous ne ferons à cet égard qu’une réflexion générale.

  1. Essai théorique et expérimental sur le galvanisme, p. 147.
  2. Annales de chimie et de physique, t. XIV, p. 342.