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plusieurs muscles, ont pour but de modifier, d’augmenter, de diminuer ou d’altérer l’expression produite par un seul des muscles. En les étudiant tantôt isolément, tantôt deux à deux, trois à trois, suivant qu’ils se contractent seuls, ou qu’ils s’associent, pour peindre sur le visage un état particulier de l’âme, M. Duchenne (de Boulogne) est arrivé à établir leur classification psychologique. Le muscle orbiculaire des paupières, par exemple, n’est plus considéré comme le muscle du clignement, protecteur de l’organe de la vision, mais comme traduisant tour à tour la méditation, la bienveillance, le mépris. Le masséter n’est plus ici un muscle masticateur, mais un organe qui exprime la colère, la fureur, etc.

Pour bien élucider le jeu des contractions faciales, M. Duchenne (de Boulogne) a étudié d’abord les contractions isolées, et il a démontré, en fixant ces mouvements par la photographie, qu’il existe des muscles qui jouissent du privilége d’exprimer à eux seuls un sentiment, ou un état psychologique particulier. Mais d’autres muscles ne font qu’ébaucher une expression ; elle est complétée par le jeu des muscles qui, seuls, n’exprimeraient rien. Faisant ensuite jouer à la fois plusieurs muscles différents, M. Duchenne (de Boulogne) a obtenu, tantôt des combinaisons expressives, tantôt des combinaisons inexpressives ou expressives discordantes. Les combinaisons inexpressives constituent la grimace, celles que nous appelons expressives discordantes, traduisent des sentiments complexes, tels que la compassion, qui est figurée par la combinaison du sourcil avec la contraction qui indique une légère souffrance.

Armé de ses rhéophores et opérant sur un sujet à intelligence obtuse et à physionomie insignifiante, M. Duchenne a pu produire artificiellement, et pour ainsi dire à froid, trente-trois expressions, qui représentent les principaux états de l’âme, le tout sans que le sujet en ait eu la moindre conscience. Il a pu fixer par la photographie, ces marques exprimant les passions les plus violentes, pendant que la respiration restait tranquille, le pouls calme, et le cerveau tranquille. Cette collection de types vrais sera précieuse pour les arts physiques. Leur comparaison avec quelques chefs-d’œuvre de l’antiquité, a même révélé dans ceux-ci certains détails que l’on doit considérer, selon l’expression de l’auteur, comme des fautes d’orthographe faciale, c’est-à-dire comme des contradictions expressives, physiologiquement impossibles dans la nature, mais qu’il est facile de corriger.

Fig. 335. — Duchenne (de Boulogne).

Nous venons de dire que les études de M. Duchenne (de Boulogne) ne s’appliquent pas seulement à l’anatomie et à la physiologie. Elles trouvent dans les arts plastiques, et surtout dans la sculpture, des applications pleines d’intérêt. Un écrivain compétent, un critique autorisé en ces matières, M. Ernest Chesneau, à propos de l’ouvrage de M. Duchenne (de Boulogne) sur le Mécanisme de la physionomie humaine, a présenté, dans le journal le Constitutionnel, un exposé méthodique des