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d’offrir à Volta une médaille d’or, conformément à la demande du premier consul :

« D’après la demande qui a été faite par un de vos membres (le premier consul), et que vous avez renvoyée à la commission, nous vous proposons d’offrir au citoyen Volta la médaille de l’Institut, en or, comme un témoignage de la satisfaction de la classe, pour les belles découvertes dont il vient d’enrichir la théorie de l’électricité, et comme une preuve de sa reconnaissance pour les lui avoir communiquées. »

Cette médaille portait pour inscription : à VOLTA, séance du 11 frimaire an IX.

Le même jour, Volta reçut du premier consul une somme de 6 000 francs pour ses frais de route.

« Le professeur de Pavie, nous dit Arago, dans son Éloge de Volta, était devenu pour Napoléon le type du génie. Aussi le vit-on, coup sur coup, décoré des croix de la Légion d’honneur et de la Couronne de fer ; nommé membre de la consulte italienne ; élevé à la dignité de comte et à celle de sénateur du royaume lombard. Quand l’Institut italien se présentait au palais, si Volta, par hasard, ne se trouvait pas sur les premiers rangs, les brusques questions : « Où est Volta ? serait-il malade ? pourquoi n’est-il pas venu ? » montraient avec trop d’évidence, peut-être, qu’aux yeux du souverain les autres membres, malgré tout leur savoir, n’étaient que de simples satellites de l’inventeur de la pile. « Je ne saurais consentir, disait Napoléon en 1804, à la retraite de Volta. Si ses fonctions de professeur le fatiguent, il faut les réduire. Qu’il n’ait, si l’on veut, qu’une leçon à faire par an ; mais l’université de Pavie serait frappée au cœur le jour où je permettrais qu’un nom aussi illustre disparût de la liste de ses membres : d’ailleurs, ajoutait-il, un bon général doit mourir au champ d’honneur[1]. »

Le départ de Volta n’avait rien enlevé de l’enthousiasme du premier consul pour les effets de la pile. Il était convaincu que l’on ferait un jour les applications les plus brillantes du galvanisme pour l’explication des faits les plus importants de la nature, et qu’il servirait même à dévoiler la cause des phénomènes de la vie. La surprise et l’admiration que Bonaparte avait éprouvées quand le savant italien l’avait rendu témoin, pour la première fois, des effets de la pile, s’accrurent encore lorsqu’on répéta devant lui les expériences de décompositions chimiques qui venaient d’être faites en Angleterre par Cruikshank. Il fut frappé d’étonnement en voyant le transport des éléments des sels à leurs pôles respectifs. Après un instant de silence, se tournant vers Corvisart, son médecin :

« Docteur, dit-il, voilà l’image de la vie : la colonne vertébrale est la pile ; le foie, le pôle négatif ; la vessie, le pôle positif[2]. »

Le désir qu’éprouvait Bonaparte d’encourager les travaux relatifs au galvanisme, se traduisit, bientôt après, par la fondation d’un prix annuel en faveur du physicien qui aurait réalisé la découverte la plus importante dans cette nouvelle partie de la physique. Le 26 prairial an X (juin 1801), peu de temps après la bataille de Marengo, Napoléon écrivit d’Italie à Chaptal, alors ministre de l’intérieur, la lettre suivante, qui fut transmise par ce dernier à la classe des sciences mathématiques et physiques de l’Institut :

« J’ai intention, citoyen ministre, de fonder un prix consistant en une médaille de trois mille francs, pour la meilleure expérience qui sera faite dans le cours de chaque année sur le fluide galvanique ; à cet effet les mémoires qui détailleront lesdites expériences seront envoyés, avant le 1er fructidor, à la première classe de l’Institut national, qui devra, dans les jours complémentaires, adjuger le prix à l’auteur de l’expérience qui aura été la plus utile à la marche de la science.

« Je désire donner en encouragement une somme de soixante mille francs à celui qui, par ses expériences et ses découvertes, fera faire à l’électricité et au galvanisme un pas comparable à celui qu’ont fait faire à ces sciences Franklin et Volta, et ce, au jugement de la classe.

« Les étrangers de toutes les nations seront également admis au concours.

« Faites, je vous prie, connaître ces dispositions au président de la première classe de l’Institut national, pour qu’elle donne à ces idées les développements qui lui paraîtront convenables ; mon but

  1. Arago, Notices biographiques, t. I, p. 234.
  2. Becquerel, Traité expérimental de l’électricité et du magnétisme, 1834, t. I, p. 108 : « Je tiens ces détails, ajoute M. Becquerel, de Chaptal, témoin oculaire. Quoique cette comparaison ne soit pas exacte, on ne peut s’empêcher de soupçonner que quelque effet semblable peut se produire dans la nature organique. »