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de ces séances et aux expériences qui la suivirent. Volta répéta devant lui son expérience fondamentale, qui consiste à obtenir sur l’électroscope à feuilles d’or, à l’aide du condensateur, des signes d’électricité avec deux métaux différents isolés, mis en contact, puis séparés aussitôt. Au moyen d’une pile à colonne de quatre-vingt-huit disques, zinc et argent, Volta produisit ensuite de très-fortes commotions. Il obtint des étincelles avec le secours du condensateur, et fit brûler un fil de fer. Par une étincelle tirée d’un conducteur de la pile, il fit partir un pistolet à gaz hydrogène. Il termina en exécutant la décomposition électro-chimique de l’eau.

Cette dernière expérience frappa d’admiration le premier consul, qui signala même certaines recherches à faire à ce sujet.

Bonaparte aurait désiré, par exemple, qu’à des températures très-opposées, on fît comparativement la même expérience sur l’action de la pile, afin de s’assurer si le calorique accélère ou retarde le passage de l’électricité à travers les métaux et les conducteurs humides. Il aurait voulu que l’on recherchât si la propriété conductrice des métaux varie selon leur état physique, et que l’on portât une attention particulière, à ce point de vue, sur le fer, qui affecte des états physiques très-variés. Un fil de fer, cassant ou ductile, un fil d’acier, employés comme conducteurs d’une même pile, auraient pu fournir peut-être quelques résultats propres à éclairer la théorie de l’électricité.

Le physicien Robertson, dont nous aurons à parler dans une des Notices de cet ouvrage[1], eut une part à ces expériences faites devant l’Institut. Nous citerons ce qu’il dit à cet égard, dans ses Mémoires, parce que son récit présente quelques particularités intéressantes :

« M. de Volta, écrit Robertson, me pria de l’accompagner à cette séance ; retenu par mes expériences publiques, je ne pouvais être libre que fort tard. M. Biot vint me chercher et me dit que l’Institut désirait que je répétasse en sa présence quelques-unes de mes expériences : je n’avais pas encore fini avec mes auditeurs, il eut l’obligeance d’attendre assez longtemps, et nous partîmes. Arrivés sous la porte du Louvre, on empêcha notre voiture d’entrer. Les avenues du palais, où l’Institut siégeait alors, étaient gardées par un grand nombre de militaires ; il fallut l’ordre d’un officier supérieur pour nous laisser monter. Je ne savais trop à quoi attribuer cet appareil de forces ; aussi, en entrant dans la salle des séances, lançai-je un regard rapide sur toute l’assemblée. Les membres de l’Institut, debout et découverts, étaient rangés autour d’une grande table ronde, et M. de Volta expliquait sa théorie : on apportait à l’écouter une vive attention. Lorsqu’il cita comme preuve de l’identité de l’électricité et du galvanisme l’inflammation du gaz hydrogène par l’étincelle galvanique, il eut l’obligeante précaution de dire que j’avais fait le premier cette expérience, et il m’engagea à vouloir bien la répéter devant l’Institut. On se procura aussitôt du gaz hydrogène dans le cabinet de M. Charles, situé à côté de la salle des séances.

« La détonation du pistolet de Volta sembla réveiller un membre placé à l’autre extrémité de la salle, inattentif en apparence, dont l’imagination planait peut-être en cet instant sur le monde entier et à cent lieues du galvanisme, tandis que la sagacité de son esprit s’occupait à démêler la nature des effets de ce fluide. Il parut sortir subitement d’une profonde préoccupation, et me fixa particulièrement, sans doute à cause du bruit que l’arme électrique venait de produire par mes mains ; puis, se tournant vers un membre placé assez près de lui :

« Fourcroy, lui dit-il, voici des phénomènes qui appartiennent plus à la chimie qu’à la physique, et dont vous devez vous emparer. »

« Distinction très-juste, et qu’une foule d’applications ont rendue évidente par la suite. C’est ainsi que je vis pour la première fois le premier consul Bonaparte : quelles destinées extraordinaires étaient encore dans le néant pour cet homme déjà environné à cette époque d’un destin si brillant[2] ! »

Lorsque Volta eut terminé ses expériences, Bonaparte proposa, comme membre de l’Institut, de lui décerner une médaille d’or, qui servirait de monument et constaterait l’époque de sa découverte. Il demanda aussi qu’une commission fût nommée, pour répéter en grand toutes les expériences relatives au galvanisme.

  1. Les Aérostats.
  2. Mémoires récréatifs, scientifiques et anecdotiques du physicien-aéronaute Robertson. Paris, 1840, t. Ier, p. 256.