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chimique des liquides du corps de l’animal sur le métal de l’arc excitateur, quand le conducteur est unique.

Observateur d’un rare mérite, Fabroni avait été frappé de plusieurs phénomènes qui lui servirent à se rendre compte chimiquement des effets du galvanisme. Il avait remarqué que les métaux purs sont généralement à l’abri de l’action de l’oxygène de l’air ; tandis que les métaux impurs, déjà un peu oxydés ou engagés dans des alliages, s’oxydent avec la plus grande rapidité. Il avait vu, dans le Musée de Cortone, des inscriptions étrusques gravées sur le plomb pur qui avaient résisté à l’action des siècles, tandis que les médailles des papes, conservées dans la galerie de Florence, et qui sont formées d’un alliage de plomb, d’antimoine et d’arsenic, étaient tombées en poussière. Il avait observé que des feuilles de cuivre, attachées entre elles au moyen de clous de fer, finissaient, au bout de quelque temps, par être tellement rongées au contact de ce dernier métal, que la tête du clou ne retenait plus la feuille. Il savait que le mercure chimiquement pur, malgré une très-longue exposition à l’air, conserve tout son éclat, tandis que le même métal, allié avec la plus faible quantité d’étain, se recouvre promptement à l’air d’un voile d’oxyde. Il avait observé que l’étain pur, exposé à l’air, y demeure brillant pendant des années, tandis que des alliages d’étain qu’il avait employés dans un but industriel s’oxydaient au bout de quelques jours. Il savait, enfin, que l’alliage de plomb et d’étain, qui porte le nom de soudure des plombiers, est infiniment plus oxydable à une température élevée que le plomb et l’étain pris isolément. De l’ensemble de ces faits, Fabroni avait déduit les deux corollaires suivants :

Les métaux, même les plus oxydables, pris à l’état de pureté parfaite, ne se combinent que très-difficilement avec l’oxygène de l’air ou de l’eau. Mais, au contraire, lorsque deux métaux inégalement oxydables sont alliés entre eux, ou seulement placés en contact l’un avec l’autre, le métal le plus oxydable se combine rapidement avec l’oxygène de l’air ou de l’eau.

Pour expliquer ce fait général, résultat positif et incontesté de l’observation, Fabroni posait en principe que le contact des corps de nature différente provoque entre eux une action chimique réciproque. Par suite de la tendance mutuelle à se combiner que présentent les deux corps mis en présence, la cohésion, force inverse et opposée à celle de l’affinité, est amoindrie en proportion de l’intensité de l’attraction chimique qui s’exerce entre ces deux corps. Ainsi le contact de deux substances, de deux métaux par exemple, a pour résultat de favoriser l’action chimique, absolument comme le fait le calorique, c’est-à-dire en diminuant la cohésion. Fabroni expliquait de cette manière le fait de l’oxydabilité des alliages qui est plus grande que celle des métaux pris isolément, la corrosion rapide des clous de fer qui servent à rattacher les feuilles de cuivre des navires, etc. Il pensa donc que, dans les expériences de Galvani, les liquides contenus dans le corps des animaux oxydaient l’arc métallique excitateur simple ou composé, et que cette action chimique avait pour résultat de produire les effets électriques observés[1].

Ainsi, dès l’année 1792, le chimiste florentin avait mis le doigt sur la véritable cause des phénomènes du galvanisme. Il réfutait à la fois Volta et Galvani, et donnait dès cette époque l’explication rationnelle des effets chimiques du galvanisme, qui n’a été admise que cinquante ans après lui. Mais, soit que

  1. « Il me parut donc, dit Fabroni, qu’une action chimique avait lieu d’une manière évidente, et qu’il ne fallait pas chercher ailleurs la nature du nouveau stimulus que, dans l’expérience de Sultzer, on appelait galvanisme. C’était manifestement une combustion, une oxydation du métal : le principe stimulant pouvait donc être, ou le calorique qui se dégage, ou l’oxygène qui passe à des combinaisons nouvelles, ou enfin le nouveau sel métallique. C’est ce que je n’ai pu bien vérifier.