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ducteur quelconque non métallique, et toujours la contraction musculaire apparaît au moment où l’on complète le circuit.

Cette expérience mettait évidemment hors de cause l’hétérogénéité métallique comme source de l’électricité observée, puisque des contractions étaient obtenues dans les muscles de la grenouille sans que l’on fît usage d’un métal.

À une expérience si concluante, Volta fit une réponse qui parut plausible, bien qu’elle ne constituât qu’une véritable argutie. Il prétendit qu’au point de contact de l’animal et de l’arc, de quelque nature que fût ce dernier, il y avait hétérogénéité de matière, et que cette cause devait suffire pour provoquer les faibles effets électriques qui se manifestent dans ce cas.

Galvani fit à cette objection la plus belle réponse. Il prépara une grenouille à la manière ordinaire, isola le nerf, le sépara de la moelle épinière, et ramena la partie libre de ce nerf sur les muscles de la cuisse. Ainsi, c’était bien le nerf qui établissait la communication entre la partie interne et la surface externe du muscle, sans l’emploi d’aucun corps conducteur étranger, et l’homogénéité était complète entre tous les éléments de l’arc. La contraction musculaire se manifesta pourtant dès que le circuit fut établi au moyen du nerf posé sur la cuisse.

Enfin, pour lever tous les doutes à cet égard, et obtenir un arc excitateur formé de parties absolument homogènes, Galvani fit la dernière expérience que voici et que les physiologistes de nos jours ont beaucoup variée.

Une cuisse de grenouille munie de son nerf recourbé en demi-cercle, fut placée sur un plateau isolant. Dans le voisinage et sans communication avec la première, il disposa une seconde cuisse dont il laissa tomber le nerf recourbé sur le nerf de la première grenouille. De cette manière, aux deux points de contact, il n’y avait que de la substance nerveuse. Tout était donc homogène. Cependant, au moment où les deux circuits furent ainsi formés, les deux cuisses se contractèrent énergiquement.

Il était impossible, après de tels résultats, de mettre en doute l’existence d’une électricité animale. Les travaux des physiologistes qui, de nos jours, ont si minutieusement étudié, sous toutes ses faces, le phénomène du courant électrique propre de la grenouille, ont démontré toute l’exactitude des faits découverts par Galvani.

L’anatomiste de Bologne sortit donc victorieux de sa lutte avec le physicien de Pavie, bien qu’un grand nombre de savants aient voulu de son temps, et même beaucoup plus tard, contester sa victoire.

Après l’opposition des physiciens, Galvani eut à essuyer celle des chimistes. En 1792, Fabroni, chimiste florentin, doué d’une sagacité profonde, éleva contre la théorie de Galvani des objections qui la frappaient au cœur, et qui, si elles eussent été poursuivies avec persévérance, auraient donné la clef de ces phénomènes tant discutés. Dans le mémoire présenté par Fabroni, en 1792, à l’Académie de Florence, on trouve le germe de la théorie chimique de la pile, à laquelle se sont ralliés presque tous les physiciens modernes, et qui explique en même temps le phénomène de la contraction musculaire des grenouilles[1].

Fabroni entrevit fort bien, malgré l’état encore si peu avancé de la chimie à son époque, que la véritable source de l’électricité dans les expériences de Galvani, était l’action chimique exercée par l’oxygène de l’air sur les métaux en contact, quand l’arc excitateur est formé de deux métaux différents, ou l’action

  1. Fabroni exposa ses idées pour la première fois dans une dissertation adressée à l’Académie de Florence en 1792, et que Brugnatelli analysa dans le Giornale physico-medicale. Plus tard, Fabroni lui-même en fit à Paris une analyse de mémoire, et la publia sous ce titre : Sur l’action chimique des différents métaux entre eux, à la température commune de l’atmosphère, et sur l’explication de quelques phénomènes galvaniques, dans le Journal de physique. 9e série, t. VI, cahier de brumaire an VIII (1799).