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publication de son ouvrage, ne sortaient pas, en général, du domaine de la physiologie. C’est dans le camp des physiciens qu’il allait trouver ses plus redoutables contradicteurs.

Adoptée avec enthousiasme en Italie à la fois par les physiologistes et les physiciens, acceptée avec faveur par les naturalistes allemands, qui y trouvaient un prétexte d’accorder avec la physiologie leurs vagues spéculations métaphysiques, timidement combattue en France et en Angleterre, la théorie de Galvani faisait son chemin dans l’arène scientifique, lorsqu’un physicien d’Italie, Alexandre Volta, déjà connu par la découverte de l’électrophore, de l’eudiomètre et du condensateur, osa s’emparer des diverses objections précédemment élevées contre l’hypothèse de l’électricité animale, et les réduire en propositions simples. Dans les premiers travaux qu’il avait publiés sur l’électricité, Volta avait adopté sans réserve les opinions de son célèbre compatriote ; mais bientôt, changeant de rôle, il s’en fit l’adversaire déclaré[1].

Galvani avait fort bien reconnu, et il le dit très-nettement dans son livre, que l’on pouvait expliquer les contractions musculaires de la grenouille, provoquées par un arc métallique, au moyen de deux théories différentes ; que l’électricité développée dans ce cas pouvait avoir son origine dans le corps de l’animal, ou provenir du métal même[2]. Mais, à la suite de ses recherches, il avait rejeté, comme inadmissible, la pensée qui aurait fait attribuer au métal la cause productrice de l’électricité. L’opinion que Galvani avait cru devoir abandonner, fut précisément celle dont Volta s’empara, et dont il se fit une arme pour battre en brèche l’édifice laborieusement élevé par l’anatomiste de Bologne.

Fig. 319. — Volta.

Partant de ce fait, annoncé et bien des fois vérifié par Galvani, que l’arc métallique excitateur provoque beaucoup plus facilement les contractions lorsque cet arc est formé de deux métaux différents que quand il se compose d’un métal unique, Volta fit jouer un rôle capital, pour l’explication du phénomène, à cette hétérogénéité du conducteur. D’après ses vues, d’abord vaguement énoncées, mais bientôt appuyées de preuves qui parurent alors sans réplique, Volta formula ainsi sa théorie physique du phénomène de la contraction musculaire de la grenouille, pour l’opposer à la théorie physiologique de son adversaire :

Lorsque deux métaux différents sont en contact l’un avec l’autre, par suite de ce contact, par l’effet de cette hétérogénéité de nature, il y a développement d’électricité.

Pour bien établir dans les mots la différence d’interprétation qu’il voulait porter dans les choses, Volta appela toujours électri-

  1. Volta a exposé ses idées dans le Giornale physico-medicale, de Brugnatelli, t. XIV, 1797 ; dans le Journal de Leipzig, t. XXXIV ; dans sa Lettre à sir Joseph Banks, président de la Société royale de Londres, insérée dans les Transactions philosophiques pour l’année 1800, 2e partie ; enfin, dans un Mémoire lu à l’Institut national de France au mois de brumaire an IX.
  2. Il est bien curieux de lire sur le cahier manuscrit où se trouve enregistrée sa première expérience sur la contraction de la grenouille par l’arc métallique, ces mots, écrits de la main de Galvani : Expérience sur l’électricité des métaux, avec la date du 20 septembre 1786.