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Le fait observé sur la terrasse du palais Zamboni était le plus important, le plus fécond de tous ceux que Galvani avait découverts depuis l’origine de ses travaux : c’était l’éclair qui venait de briller dans la nuit des phénomènes obscurs dont il cherchait depuis six ans à dissiper les ténèbres. Ici, en effet, les contractions organiques avaient été obtenues sans le secours d’aucun appareil électrique placé dans le voisinage. L’atmosphère était calme, les instruments qui servent à déceler la présence du fluide électrique dans l’air, constataient l’absence de toute électricité extérieure. Le phénomène observé sur la grenouille était donc bien une contraction propre, indépendante de toute cause externe ; il provenait, sans nul doute, d’une force particulière à la grenouille. Ainsi, cette électricité animale, que Galvani avait toujours soupçonnée, existait réellement, et les vues théoriques qui l’avaient engagé dans une si longue carrière de recherches, jusque-là infructueuses, étaient sur le point de recevoir une confirmation éclatante.

Dans la vérification d’un fait qui flattait si largement ses désirs, Galvani procéda avec sa méthode et sa prudence accoutumées. Il craignit d’abord que l’effet qu’il avait observé ne provînt de ce que les barreaux de fer de la terrasse, exposés depuis longues années aux vicissitudes de l’air, eussent pris un état électrique permanent, ainsi qu’il arrive aux pièces de fer de nos constructions, qui, depuis longtemps placées dans une situation fixe et dans un certain plan du méridien du globe, finissent par acquérir un état persistant de magnétisme et, partant, d’électricité. Pour lever ses doutes à cet égard, il répéta de point en point la même expérience dans son laboratoire, en substituant seulement au fer rouillé des barreaux de la terrasse, une lame de fer polie, à surface nette et brillante. Il suspendit donc à une tige de fer une grenouille fraîchement préparée, et passa un petit crochet de cuivre à travers la masse des muscles lombaires et des faisceaux de la moelle épinière. Dès que le crochet de cuivre vint à toucher la lame de fer, les contractions se reproduisirent, telles qu’il les avait observées sur la terrasse.

Fig. 318. — Galvani provoque les contractions de la grenouille au moyen d’un arc métallique.

Cette observation était capitale. C’est par cette expérience que Galvani pénétra dans un ordre de faits entièrement nouveau. Il ne pouvait mettre en doute, après toutes ses recherches antérieures, que les contractions de la grenouille ne fussent provoquées par un mouvement du fluide électrique. Mais jusque-là il avait cherché la cause de ces contractions dans une influence électrique extérieure. Ici la source étrangère d’électricité n’existait plus, et le fait se trouvait réduit à ces deux termes simples : un arc métallique en contact par l’une de ses extrémités avec les nerfs de la grenouille, et par l’autre extrémité avec son système musculaire.

Animé, par ce brillant succès, d’une ardeur toute nouvelle, soutenu par l’espoir d’arriver enfin à l’entière démonstration de