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vent en grand, pendant la décharge électrique d’un nuage orageux.

Le choc en retour est une commotion électrique que peuvent ressentir l’homme et les animaux, à une distance assez éloignée du lieu où la foudre a éclaté. Occupant une vaste étendue de l’atmosphère, un nuage chargé d’électricité agit par influence sur tous les corps placés dans sa sphère d’action. Tous les corps, toute la surface du sol, qui sont compris dans le cercle d’activité du nuage orageux, sont électrisés par son influence, et se trouvent chargés d’une quantité plus ou moins considérable d’électricité contraire à celle du nuage. Quand la foudre vient à éclater en un point quelconque, le nuage se trouve subitement déchargé de son électricité libre ; il cesse donc, tout aussitôt, d’agir électriquement sur les corps placés au-dessous de lui. Dès lors, ces corps repassent subitement de l’état électrique à l’état neutre, par la recomposition instantanée des deux fluides. Ce brusque retour à l’état naturel, cette subite recomposition du fluide, quand elle s’exerce à travers les corps des hommes ou des animaux, provoque une secousse, une commotion violente et quelquefois mortelle : c’est le choc en retour.

C’est un phénomène de ce genre qui se produisait dans l’expérience de Galvani rapportée ci-dessus. Placé dans le voisinage d’une machine électrique en activité, et se trouvant ainsi dans sa sphère d’attraction, le corps de la grenouille s’électrisait par influence, et persistait dans cet état électrique tant que le conducteur de la machine se trouvait chargé de fluide. Mais quand on venait, en tirant l’étincelle, à dépouiller subitement le conducteur de la machine de toute son électricité libre, la recomposition du fluide se faisait au même instant dans le corps de l’animal. Ce rapide mouvement de l’électricité déterminait une commotion dans les membres de la grenouille, parce que le corps d’une grenouille récemment tuée éprouve toujours ces mouvements de contractilité musculaire sous l’influence de l’électricité en mouvement. Une grenouille récemment tuée est, en effet, un excellent électroscope : elle accuse la présence des plus faibles traces d’électricité à l’état libre. Beaucoup de physiciens se sont servis du corps d’une grenouille préparée pour affirmer la présence de l’électricité en mouvement.

On a dit et répété bien des fois, que Galvani ne sut point reconnaître la nature du phénomène qui se manifesta pour la première fois entre ses mains. On a prétendu qu’excellent anatomiste, mais physicien ignorant, il n’avait pas compris que les contractions de sa grenouille provenaient simplement d’un choc en retour, et qu’il fut amené ainsi à s’engager dans une foule de recherches qu’il se serait évité la peine d’entreprendre s’il eût été bon physicien.

Accuser Galvani d’avoir ignoré les faits élémentaires de l’électricité statique, c’est commettre une véritable injustice. L’anatomiste de Bologne connaissait le phénomène du choc en retour, car il en parle dans ses ouvrages. Il avait fait d’ailleurs de nombreuses expériences sur l’électricité produite dans le vide, sur la bouteille de Leyde soumise à l’influence de la machine électrique. De pareilles études suffisent pour prouver que Galvani possédait sur l’électricité statique de solides connaissances, et qu’il ne pouvait ignorer le phénomène du choc en retour.

C’est le reproche qu’a adressé à Galvani Arago, dont l’opinion a été ensuite reproduite par presque tous nos auteurs :

« Ce phénomène était très-simple, dit Arago, s’il se fût offert à quelque physicien habile, familiarisé avec les propriétés du fluide électrique, il eût à peine excité son attention. L’extrême sensibilité de la grenouille, considérée comme électroscope, aurait été l’objet de remarques plus ou moins étendues ; mais sans aucun doute, on se serait arrêté là. Heureusement, et par une bien rare exception, le défaut de lumières devint profitable. Galvani, très-savant