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câbles devront avoir 1 centimètre carré de section métallique. Les fils qui composent les torons, auront de 1 millimètre à 1mm,5.

La tige du paratonnerre peut n’avoir que quelques décimètres de longueur, y compris la pointe. L’important, c’est que la jonction avec le câble soit faite, dans l’atelier, à la soudure d’étain. À son extrémité inférieure, le câble sera ajusté, d’une manière analogue, dans une pièce de cuivre, qui sera en communication permanente avec le doublage du navire.

À bord des navires on a l’habitude de n’établir la continuité du conducteur, c’est-à-dire de jeter la chaîne à la mer, seulement à l’approche d’un orage. Cette habitude est dangereuse : 1o en ce qu’on peut oublier de le faire ; 2o en ce que le plus souvent il ne suffit pas que la chaîne communique à l’eau de la mer, par une surface de 2 à 3 décimètres, pour que l’électricité s’écoule avec toute la rapidité nécessaire.

En Angleterre, on suit un procédé bien supérieur. On incruste, une fois pour toutes, dans des rigoles, ou rainures, creusées suivant la longueur et dans l’épaisseur des mâts, de fortes bandes de cuivre. La partie inférieure de ces bandes, qui forment le conducteur, vient se souder à une plaque de cuivre fixée sur la carlingue. De là, le conducteur est en communication avec l’eau de la mer, au moyen de trois boulons de cuivre qui traversent la quille. De cette manière, les conducteurs font corps avec les mâts ; le navire entier, depuis la pointe jusqu’à la doublure métallique extérieure, est constitué dans un état parfait de conductibilité, comme si toute sa masse était de métal, et indépendamment de toute intervention de l’équipage.

Dans l’instruction de M. Pouillet, on n’a pas cru devoir mentionner l’ensemble de ces dispositions, ni les recommander pour l’usage de la marine française. Une longue expérience a pourtant établi l’efficacité de ce système sur les vaisseaux anglais.

Quelques détails sur le genre des paratonnerres employés aujourd’hui par toute la marine britannique, ne seront pas ici hors de propos.

C’est lord William Napier qui attira le premier, en 1813, l’attention de l’amirauté britannique sur l’imperfection des paratonnerres employés à cette époque, par la marine des deux mondes. Il avait été déjà témoin, en plusieurs occasions, d’accidents arrivés en mer à ces conducteurs électriques, lorsque, au mois de juillet 1811, il en eut sur son vaisseau un nouvel et terrible exemple. Il venait de quitter Toulon à bord du Kent, navire de 74 canons, lorsque son grand mât et son mât d’artimon furent littéralement déchirés par la foudre, depuis leurs pommes de girouettes jusque sur le pont. Le fluide tua un matelot et en blessa trois ou quatre autres qui se trouvaient sur une vergue. Dans une autre circonstance, à Port-Mahon, il vit quinze de ses matelots tués par un coup de foudre.

C’est en raison de ces malheurs que lord Napier, trouvant vicieux le système qui consistait à placer un seul paratonnerre sur chaque navire, demandait que chaque mât fût pourvu de cet instrument.

« Cet appareil, disait en 1813 le célèbre amiral, en parlant du conducteur de chaîne, est ordinairement attaché à la cime du grand perroquet, comme étant le plus élevé du navire ; mais il ne s’ensuit pas que la foudre doive précisément frapper là, et j’ai vu, souvenir déplorable, quinze matelots excellents, épars sur le beaupré, tués ou brûlés en un clin d’œil. Quelques-uns furent précipités dans l’eau ; d’autres, couchés morts en travers des antennes, demeurèrent dans la posture qu’ils avaient avant l’accident. Ceci eut lieu à Port-Mahon, sur un navire de soixante-quatorze, tandis que l’équipage ferlant les voiles était dispersé sur toutes les vergues. On ne saurait dire si le conducteur était alors en place ou non ; mais en supposant que l’on puisse compter, à quelques égards, sur une pareille machine, il me paraît très-probable qu’une seule ne suffit pas pour un navire.

« Un conducteur placé selon l’usage, savoir, à la cime du grand perroquet, peut être envisagé comme un agent plus puissant que le mât lui-même ; mais il n’est jamais calculé positivement de manière à pouvoir absorber toute la portion de fluide électrique