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testèrent la transmission inoffensive du fluide fulminant.

D’après un mémoire de M. Harris, savant anglais, qui s’est occupé avec infiniment de soin de la construction des paratonnerres des navires, il y a dans le Devonshire, six églises à clochers très-élevés, dont cinq ne sont pas munis de paratonnerres. Dans un intervalle de quelques années, les six églises ont été frappées de la foudre, et la seule qui n’ait subi aucun dommage de l’action du météore, était la seule qui fût armée d’un paratonnerre.

Lichtenberg, d’après les observations et sous la garantie d’Ingenhousz, a raconté un cas fort curieux de l’efficacité du paratonnerre.

En Carinthie, dans les domaines du comte Orsini de Rosenberg, chambellan de l’empereur, il existait, sur une montagne, une église, qui avait été, à plusieurs reprises, frappée du tonnerre. Cet accident, fréquemment renouvelé, avait amené tant de désastres que, durant l’été, on s’abstenait d’y célébrer le service divin. En 1730, cette église fut, selon l’expression d’Ingenhousz, « tout anéantie par la foudre ». On la rebâtit à neuf, mais elle subissait trois ou quatre fois par an, comme par le passé, les périlleuses visites de l’électricité météorique. Dans le cours d’un seul orage, le tonnerre tomba jusqu’à dix fois sur le clocher ; et en 1778 il fut foudroyé à cinq reprises différentes : la cinquième fois l’atteinte fut si violente, que, craignant pour la solidité de l’édifice, le comte Orsini se décida à le faire démolir.

On le releva de nouveau, mais cette fois, en le munissant d’un paratonnerre. Depuis cette époque jusqu’en 1783, date des observations de Lichtenberg, aucun accident ne vint compromettre la solidité de ce bâtiment. Une seule fois le tonnerre vint le frapper ; mais l’électricité s’écoula le long de la route qu’on lui avait tracée, et ne fondit pas même la pointe du conducteur[1].

L’abbé Toaldo est le premier qui, en 1782, établit des paratonnerres en Autriche et en Bavière. À peine les conducteurs étaient-ils placés sur le château de Nymphenbourg, appartenant à l’Électeur de Bavière, que ce prince y observa le premier, dans un orage, des feux sur les pointes de deux de ces instruments. Il fit aussitôt appeler pour témoin toute la cour, dans laquelle il y avait, comme les appelait l’Électeur, des hérétiques en électricité, lesquels furent convertis à la seule inspection de ce phénomène.

Un autre fait curieux fut observé à Nymphenbourg. Pendant un orage, on vit s’avancer vers le château des nuées orageuses, qui lançaient de terribles éclairs. Mais dès que ces nuées avaient passé au-dessus des paratonnerres, elles devenaient toutes « comme des charbons éteints ; aucune n’éclairait plus, ayant fait passer tout leur feu dans les pointes ». Beaucoup de personnes furent témoins de ce fait, ainsi que l’abbé Toaldo qui l’a rapporté[2].

Dans le mémoire de l’abbé Bertholon intitulé : Nouvelles Preuves de l’efficacité des paratonnerres, on lit que, durant une tempête terrible, les paratonnerres de Londres, et principalement les pointes de ceux qui se trouvaient sur le palais de la reine, se montrèrent lumineux. « On voyait, dit Bertholon, le fluide électrique se jouer et voltiger de la plus belle manière. » Le fluide fut si bien transmis, qu’il n’y eut en ce moment, malgré la violence de l’orage, aucune maison de Londres qui en souffrît le moindre dégât[3].

Un autre exemple de l’utilité des paratonnerres fut constaté à Glogau, dans la Silésie, en 1782. Le 8 mai, vers huit heures du soir, un orage venu de l’ouest vint fondre non loin du magasin à poudre établi dans Galinaburg. Un éclair éblouissant parcourut le ciel, accompagné d’un effroyable éclat de tonnerre,

  1. Bertholon, De l’électricité des météores, t. I, p. 201.
  2. Bertholon, De l’électricité des météores, t. I, p. 198.
  3. Nouvelles Preuves de l’efficacité des paratonnerres, in-4, avec figures, pp. 18 et 19.