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l’utilité des conducteurs électriques, dont on distribuait des exemplaires gratis à toute personne qui se présentait à un bureau d’avis[1].

Le jugement du tribunal d’Arras eut pour effet d’attirer l’attention des corps savants sur les paratonnerres. L’Académie de Dijon s’occupa la première de cette question : un rapport sur ces appareils fut rédigé par Guyton de Morveau et Maret, qui établirent toute l’utilité de cet appareil et posèrent quelques règles pour sa construction.

C’est dans les provinces du Midi, et non dans la capitale de la France, que les premiers paratonnerres furent établis. L’abbé Bertholon, professeur de physique, en avait élevé beaucoup à Lyon et dans diverses villes du Languedoc. C’est d’après l’efficacité qui fut bientôt reconnue aux appareils construits par l’abbé Bertholon, que ce physicien, en 1782, fut appelé à en établir de semblables dans la capitale[2].

L’adoption des paratonnerres ne commença en Angleterre qu’en 1788. Le chapitre de Saint-Paul, à Londres, après avoir pris l’avis de la Société royale, décida que l’église métropolitaine serait munie d’un de ces instruments. Un second s’éleva quelque temps après, sur Buckingham-House, et bientôt les principaux édifices publics de Londres et les magasins à poudre mêmes en furent munis.

Le grand-duc de Toscane et l’empereur d’Autriche firent adopter, vers cette époque, la même mesure dans leurs États.

Avant que l’on élevât des paratonnerres sur les édifices, on avait déjà songé à préserver, par le même moyen, les navires en mer. C’est la république de Venise qui donna la première le signal de cette mesure. Par un décret du 30 juillet 1778, la république avait ordonné que ce nouveau système fût appliqué à tous ses navires et aux magasins à poudre.

C’est d’après cet exemple, qu’en 1784, le physicien Leroy visitait nos ports, pour faire installer le paratonnerre sur tous les navires et sur les constructions maritimes. Les conducteurs métalliques adoptés par Leroy, pour l’usage des navires, étaient des chaînes de cuivre fixées aux mâts. Les vaisseaux l’Étoile, l’Astrolabe, la Résolution, l’Expérience et la Boussole, furent munis les premiers de cet appareil.

Les avantages manifestes qui résultaient de l’emploi des paratonnerres, firent bientôt justice de préventions mal fondées. La question fut envisagée sous son jour véritable, et l’on finit par reconnaître les avantages immenses de ce simple et ingénieux instrument. Dès lors, le physicien de Philadelphie ne compta plus que des partisans.

« M. l’abbé Nollet, nous dit Franklin dans ses Mémoires, vécut assez pour se voir le dernier de son parti, excepté M. B…, de Paris, son disciple immédiat. »

  1. La physique à la portée de tout le monde, par le Père Paulian, t. II, p. 389.
  2. C’est ce que constate le Mercure de France. « On ne fera plus, dit ce journal, à la capitale de la France le reproche de ne pas adopter la découverte des paratonnerres, dont l’utilité est si bien démontrée. Plusieurs villes de France s’étaient déjà distinguées par leur empressement pour en élever ; et la ville de Paris, le séjour des sciences et des arts, ne pouvait différer plus longtemps de suivre l’exemple que le nouveau monde a donné à l’ancien. Madame la duchesse d’Ancenis en a fait élever un sur son hôtel, où la foudre est tombée précédemment ; et les religieuses Augustines Anglaises en ont fait établir un sur leur couvent. M. l’abbé Bertholon, professeur de physique expérimentale des États généraux de la province de Languedoc, déjà connu dans la république des lettres par plusieurs ouvrages qui ont eu du succès et par les superbes paratonnerres de Lyon, a été choisi pour présider à la construction de ces nouveaux instruments, qu’il a fait exécuter d’une manière à ne rien laisser à désirer. Celui de l’hôtel de Charost, de madame la duchesse d’Ancenis, a quatre-vingt-cinq pieds de longueur ; l’extrémité inférieure qui entre dans la terre et plonge au-dessous de l’eau a vingt-huit pieds. Le paratonnerre des religieuses Anglaises est de cent quatre-vingt-huit pieds de longueur, et la partie qui est dans la terre et qui aboutit à l’eau est de quatre-vingt-dix pieds de profondeur. On a observé la plus grande précision dans les jonctions qui sont faites à vis ; des communications métalliques ont été savamment ménagées, les pointes sont dorées à or moulu ; des verticelles ont été placées aux endroits convenables ; en un mot, on y voit toutes les perfections que M. l’abbé Bertholon a décrites et observées dans divers appareils de ce genre, qu’il a construits en plusieurs endroits, et qu’il fera connaître en détail dans un de ses ouvrages. » (Mercure de France, 1782, no 52, p. 188.)