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Fig. 277. — Cours de physique de l’abbé Nollet au collége de Navarre, en 1754.

Il savait pourtant maintenir dans l’occasion les prérogatives et la dignité des sciences. Le Dauphin l’avait engagé à faire sa cour à un homme en place, dont la protection pouvait lui être utile. Nollet fait une visite au grand seigneur et lui présente ses œuvres imprimées. Mais ce protecteur l’accueille très-froidement, et en recevant les livres du physicien :

« Je ne lis jamais, lui dit-il, ces sortes d’ouvrages. »

Nollet releva la tête :

« Permettez-moi, monsieur, dit-il, de laisser ces livres dans votre antichambre. Il s’y trouvera peut-être des gens d’esprit qui, en attendant l’honneur de vous parler, les liront avec profit. »

Nous sommes entré dans ces détails au sujet de l’abbé Nollet, pour faire comprendre quelle légitime autorité il exerçait en France, et de quel poids devait être son opinion auprès des savants. Le public français fut naturellement porté à juger avec défaveur les travaux de Franklin, en présence de l’opposition qui leur était faite par Nollet, que l’on s’était accoutumé, depuis vingt ans, à regarder, pour employer une expression devenue vulgaire, comme le prince de l’électricité. Mais ici, l’abbé Nollet était fâcheusement égaré par ses préventions contre un rival, qui n’avait eu que le tort de réussir là où tant d’autres avaient échoué.

Lorsque parut la traduction des Lettres de Franklin, qui contenaient l’exposé des découvertes du physicien de Philadelphie et sa théorie du fluide unique, Nollet se refusa d’abord à croire qu’une telle production arrivât d’Amérique. Il prétendait que cette théorie avait été fabriquée à Paris même, par