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un de ceux qui faisaient partie de la chaîne, ayant touché au fil de fer, nous fûmes tous aussitôt frappés[1]. »

Il est inutile d’ajouter que l’on n’obtenait pas toujours des signes d’électricité, bien que le cerf-volant fût élevé jusqu’à six cents pieds. C’est ce qu’éprouva Musschenbroek, au mois d’août 1757, même par un vent du nord qui était modéré, et avec un ciel couvert de nuages.

Le prince de Gallitzin, secondé par le physicien Dentan, continua, à La Haye, les expériences de Musschenbroek au moyen du cerf-volant. Exécutées depuis l’année 1775 jusqu’à l’année 1778, elles furent communiquées par le prince de Gallitzin à l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg[2]. Dans ces expériences, on obtint constamment de l’électricité à l’aide du cerf-volant. On parvint souvent à charger des batteries de bouteilles de Leyde avec l’électricité des nuages. Quant à la nature, positive ou négative, de l’électricité, on constata qu’elle variait sans cesse. Il sembla néanmoins que l’électricité se montrait positive dans les temps calmes, et négative au commencement des orages.

À Amsterdam, Van Swinden, professeur de physique, tira des étincelles électriques de son cerf-volant, non-seulement en temps d’orage, mais encore par un temps serein.

En France, l’abbé Bertholon, professeur de physique dans le Languedoc, fit plusieurs expériences du même genre. En 1776, il présenta à l’Académie des sciences de Paris un mémoire contenant le récit des expériences qu’il avait faites, de concert avec Baumé, Fontana et plusieurs autres membres de l’Académie, en faisant usage du cerf-volant électrique construit par le duc de Chaulnes, grand amateur d’électricité.

En Amérique, Kinnersley, le collaborateur de Franklin, éleva aussi des cerfs-volants électriques ; mais ses expériences furent exécutées avec bien moins de soin que celles de Beccaria et de Musschenbroek[3].

Quant à Franklin, il ne se livra à aucune recherche sur l’électricité de l’air avec les cerfs-volants électriques, et l’on ne voit pas qu’après sa célèbre expérience il ait, à l’exemple des autres physiciens, poursuivi le moins du monde, cette carrière d’études. Pour constater la nature de l’électricité qui existe habituellement dans l’atmosphère, il se contenta, après son essai sur le cerf-volant, raconté plus haut, d’élever sur sa maison, une barre de fer pointue qu’il isolait à volonté, et qu’il avait munie d’un carillon électrique, afin d’être averti de la présence de l’électricité dans ce conducteur.

Franklin se proposait, comme tous les expérimentateurs de l’Europe, de reconnaître si l’électricité des nuages était positive ou négative, et si l’un de ces états était constant. Cette détermination avait pour lui un intérêt particulier, parce que, d’après sa théorie générale sur l’électrisation en plus ou en moins, dont nous avons déjà parlé, et qu’il opposait à la théorie de Dufay, si l’électricité des nuages orageux avait été négative, il aurait fallu en conclure que la foudre s’élançait de la terre vers les nuages et non du ciel sur la terre, c’est-à-dire que la foudre était toujours ascendante, au lieu d’être descendante ou ascendante, selon le cas.

Pour résoudre la question de la nature de l’électricité des nuages, Franklin prit deux bouteilles de Leyde ; il en chargea une avec une machine électrique donnant de l’électricité positive, de telle sorte que, sur la surface extérieure de la bouteille il existait, suivant l’effet bien connu qui se passe dans cet appareil, de l’électricité positive. À l’aide d’un conducteur, il fit ensuite communiquer la se-

  1. Cours de physique expérimentale et mathématique, par Pierre Van Musschenbroek, traduit par Sigaud de Lafond, t. I, p. 400, § 914.
  2. Observations sur l’électricité naturelle par le moyen d’un cerf-volant. Lettre de 6 pages in-4.
  3. Deuxième lettre de M. Kinnersley à M. Benjamin Franklin. — Œuvres de Franklin, traduites par Barbeu-Dubourg, t. I, p. 205, in-4.