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graphie de la foudre, et qui cite un très-grand nombre d’auteurs sur des faits très-secondaires, paraît avoir totalement ignoré ce que nous avions écrit sur cette question historique. Il se borne, en effet, à rapporter, en quelques lignes insignifiantes, l’ancienne opinion qui attribue à Franklin, l’idée du cerf-volant électrique, comme celle du paratonnerre.

« L’identité de l’électricité des machines et de la foudre venait d’être inventée ; ce fut alors que Franklin inventa le paratonnerre. Franklin est incontestablement l’inventeur des paratonnerres. »

L’auteur de cette récente monographie de la foudre, s’est donc borné, comme tous ses prédécesseurs, à répéter, concernant l’invention du cerf-volant électrique, des assertions dont l’inexactitude est maintenant démontrée.

Les écrivains des deux hémisphères qui, depuis un siècle, reproduisent uniformément cette assertion, ont eu tort d’affirmer que l’idée du cerf-volant électrique se présenta à l’esprit de Franklin, avant qu’il eût reçu communication des expériences faites par Dalibard, en France, sur l’électrisation des barres de fer isolées. Franklin a autorisé cette erreur en gardant toujours le silence sur cette question, ou en laissant parler ses partisans qui voulaient lui attribuer la gloire tout entière des découvertes relatives à l’électricité atmosphérique. Mais il n’en est pas moins certain que Franklin ne procéda à ses expériences sur l’électricité des nuages, et à l’essai du cerf-volant, qu’après avoir reçu la nouvelle de la réussite de Dalibard à Marly. Tout nous porte à croire, en effet, que l’expérience du cerf-volant électrique faite par Franklin, n’eut pas lieu, comme on l’admet généralement, en juin 1752, mais seulement dans le courant de septembre. La lettre par laquelle Franklin annonce à Collinson les résultats de l’expérience du cerf-volant, est écrite de Philadelphie à la date du 19 octobre 1752, et Franklin y parle constamment de cette expérience comme si elle était toute récente[1].

Nous avons établi que Romas avait eu dès l’année 1752 l’idée d’employer le cerf-volant pour soutirer l’électricité des nuages, et que, dans sa lettre du 12 juillet 1752, il communiqua son projet à l’Académie de Bordeaux en des termes un peu détournés, mais qui se rapportaient manifestement à cet objet ; — que le 9 juillet 1752, il faisait confidence de ce projet, sans périphrase et sans restriction, à son ami Mathieu Dutilh. Ajoutons que le 19 août de la même année, au château de Clairac, il renouvela cette confidence au chevalier de Vivens, et à M. Bégué, curé du village d’Asquets. On voit donc bien positivement que Romas n’avait emprunté à personne l’idée du cerf-volant électrique. C’est au mois de juillet 1752 qu’il en conçut le projet. S’il ne mit pas alors cette pensée à exécution, et s’il ne fit qu’au mois de juin 1753, l’admirable expérience dont nous avons rapporté les détails, et s’il fut, par conséquent, devancé par Franklin qui lançait son cerf-volant électrique en septembre 1752, c’est-à-dire huit mois auparavant, il n’en est pas moins certain, — et c’est là le point historique que nous voulions établir, — que Romas ne fut le copiste ni l’imitateur de personne, et qu’il n’emprunta pas à Franklin l’idée de cette expérience immortelle.

L’opinion que nous nous efforçons ici de combattre, et qui enlève à Romas le mérite, l’initiative de son expérience du cerf-volant, existait, il faut le dire, du temps même de ce physicien : elle fit le tourment de ses derniers jours, et il mourut sans avoir la satis-

  1. Cette lettre de Franklin fut lue aux membres de la Société royale de Londres dans les premiers jours de janvier 1753 ; le 15 du même mois, Watson la traduisit et la fit parvenir à l’abbé Nollet, qui s’empressa d’en donner communication à l’Académie des sciences de Paris. Nous avons cité, au commencement de ce chapitre, le texte de cette lettre de Watson, d’après l’ouvrage de Bertholon, l’Électricité des météores.