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renvoyai l’essai de mon cerf-volant à la première occasion qui se présenterait après le 25 août, et je continuai, sur la barre de M. Franklin, les expériences qui m’offrirent effectivement de nouveaux phénomènes dont je fis part à cette compagnie.

« Le mois d’août étant passé, il n’y eut presque plus d’orage, je ne pus même pas me procurer un cerf-volant avant l’hiver. Ainsi forcé d’attendre le printemps de l’année suivante, je ne lançai en l’air cette espèce de châssis, que le 14 du mois de mai 1753. »

C’est au mois de mai 1753, que Romas, secondé par les frères Dutilh, commença, au château de la Tuque, de procéder à ses expériences, qui furent poursuivies et variées avec une sagacité et un courage vraiment extraordinaires. Ces expériences méritent d’être rapportées avec détails.

Le premier cerf-volant qui fut préparé avait 18 pieds carrés de surface. Attaché à une simple corde de chanvre, il fut lancé une première fois, le 14 mai 1753, au château de la Tuque, par Romas et les frères Dutilh. Mais on ne put tirer de la corde aucune étincelle, bien qu’il tombât alors une pluie légère qui devait en augmenter la conductibilité, et que l’existence de l’électricité dans l’atmosphère fût rendue évidente par l’électrisation des barres de fer isolées que Romas avait élevées pour ses expériences antérieures.

L’issue de cette première tentative aurait découragé une volonté moins forte, un jugement moins sûr que celui du physicien de Nérac. Il ne se laissa pas déconcerter par cet échec, qu’il expliqua fort bien en remarquant que pendant son expérience, la pluie avait été faible, la corde de chanvre peu mouillée, et « qu’une corde de chanvre, qui n’est pas mouillée, ne conduit jamais bien le feu électrique que lorsque l’électricité est très-forte[1] ».

Sur cette réflexion, il chercha aussitôt le moyen de remédier au défaut de conductibilité de son appareil.

Ce moyen consista à huiler le papier du cerf-volant, et à garnir la corde de chanvre, sur toute sa longueur, d’un fil de cuivre continu, c’est-à-dire d’un excellent conducteur du fluide électrique.

Romas fut aidé, dans la longue opération qui consistait à enrouler le fil de cuivre autour de la corde, par Mathieu Dutilh, son collaborateur habituel dans ses expériences de physique.

Le 7 juin 1753, par une journée très-orageuse, le cerf-volant fut lancé, à différentes reprises, dans les allées qui servent de promenade extérieure à la ville de Nérac, par Romas, assisté des frères Dutilh. La corde dont il était muni avait une longueur de 260 mètres. L’absence du vent, pendant une partie du jour, empêcha le cerf-volant de se soutenir en l’air ; mais à deux heures et demie, pendant qu’il tonnait du côté de l’ouest, le vent s’étant levé, on réussit mieux, bien qu’on eût lâché toute la corde qui, faisant alors avec l’horizon un angle d’à peu près 45 degrés, maintenait le cerf-volant à une hauteur d’au moins 183 mètres.

Le vent s’étant fortifié, il devint probable que le cerf-volant ne tomberait pas. Romas attacha donc à la partie inférieure de la corde du cerf-volant, un cordonnet de soie de 1 mètre 15 centimètres de longueur. Ce cordon venait se rattacher à une pierre très-lourde, qui fut placée sous l’auvent d’une maison. À la corde et avant le cordonnet de soie, on suspendit un cylindre de fer-blanc de 35 centimètres de longueur et de 3 centimètres de diamètre, qui, communiquant avec le fil de cuivre du cerf-volant, devait servir à tirer des étincelles en cas d’électrisation. Pour évi-

  1. Mémoire où, après avoir donné un moyen aisé pour élever fort haut et à peu de frais un corps électrisable isolé, on rapporte des observations frappantes, qui prouvent que plus le corps isolé est élevé au-dessus de la terre, plus le feu de l’électricité est abondant, par M. de Romas, assesseur au présidial de Nérac, publié dans les mémoires des savants étrangers à l’Académie des sciences (Mémoires de mathématiques et de physique présentés à l’Académie royale des sciences de Paris par divers savants, et lus dans les assemblées publiques, 1755, t. II, p. 393).