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conducteurs le plus haut possible dans la région des nuages, afin d’augmenter le feu du ciel ». Nous verrons bientôt à quel admirable résultat se trouva conduit par ce désir, le physicien de Nérac.

Tous les observateurs de l’Europe s’empressèrent de répéter les expériences qui venaient de jeter tant d’éclat sur la France. Canton, en Angleterre, fit élever des barres de fer isolées, qui lui servirent à constater l’état électrique des nuages. Voici comment le physicien anglais raconte son expérience dans une lettre adressée à Wilson, le 21 juillet 1752 :

« J’eus hier, sur les cinq heures du soir, dit Canton, l’occasion de tenter l’expérience de M. Franklin, pour tirer le feu électrique des nuages, et j’ai réussi au moyen d’un tube de fer-blanc de trois ou quatre pieds de long, attaché au haut d’un tube de verre d’environ dix-huit pouces. À l’extrémité supérieure du tube de fer-blanc, qui était moins élevé que la file des cheminées de la même maison, j’avais attaché trois aiguilles avec un peu de fil d’archal, et j’avais soudé à son extrémité inférieure un couvercle de fer-blanc, afin de garantir de la pluie le tube de verre qui était posé verticalement sur un billot de bois. Je courus à cet appareil, le plus vite que je pus, dès le commencement du tonnerre, mais je ne le trouvai électrisé qu’entre le troisième et le quatrième coup ; alors appliquant la jointure de mon doigt au bord du cercle, je sentis et entendis une étincelle électrique ; et en approchant une seconde fois, je reçus l’étincelle à la distance d’environ un demi-pouce, et je la vis bien distinctement. Je répétai la même chose quatre ou cinq fois dans l’espace d’une minute ; mais les étincelles devenaient de plus en plus faibles, et en moins de deux minutes le tube de fer-blanc ne donna plus aucun signe d’électricité. Il faisait une pluie continuelle pendant le tonnerre, mais elle était considérablement ralentie dans le temps que je fis l’expérience. »

Le 12 août suivant, le docteur Bevis observa à peu près les mêmes effets. Le même jour, Wilson répéta cette expérience dans le voisinage de Chelmsford, dans le comté d’Essex. Son appareil consistait simplement en une tringle de fer dont il introduisait un bout dans une bouteille de verre qu’il tenait à la main ; l’autre extrémité, terminée par trois aiguilles, étant en plein air. Avec un doigt de l’autre main il tira des étincelles, quoiqu’il ne fût point dans un endroit élevé, mais seulement dans un jardin[1].

C’est en voulant se livrer aux mêmes expériences que Richmann, membre de l’Académie impériale de Saint-Pétersbourg, et professeur de physique d’un grand renom, périt dans cette ville, frappé d’un véritable coup de foudre.

Richmann avait élevé, sur le faîte de sa maison, le même appareil qui était alors employé par tous les physiciens sur plusieurs points de l’Europe ; mais il avait porté un soin tout particulier à l’isolement de la barre de fer. La chambre dans laquelle il opérait n’avait d’autre plafond que le toit de la maison. Le trou qui fut pratiqué à ce plafond pour laisser passer la tige métallique fut garni d’un tube de verre pour l’isoler complétement dans ce point. La partie extérieure de la tige de fer, qui s’élevait de quelques pieds au-dessus du toit, était dorée pour la préserver de la rouille. La tige se terminait dans l’intérieur de la chambre ; elle était portée sur un tube de verre et soutenue par une masse de poix. Richmann pouvait ainsi observer tout à son aise les effets électriques[2]. Il avait même disposé un carillon électrique, pour être averti à distance de la présence du fluide.

Richmann se proposait de procéder, dans un moment d’orage, à la mesure de l’intensité du fluide électrique soutiré de l’atmosphère extérieure ; il espérait obtenir ainsi quelques renseignements sur la force comparative de l’électricité dans les nuages orageux. Pour mesurer l’intensité de ces effets, il avait imaginé une sorte d’électromètre, qu’il désignait sous le nom de gnomon électrique, et qui, peu différent de notre électroscope actuel, consistait en un corps léger repoussé par l’action électrique, et dont l’angle

  1. Transactions philosophiques, t. XLVII, p. 568. — Priestley, Histoire de l’électricité, t. II, p. 168.
  2. La Physique à la portée de tout le monde, par le Père Paulian, t. II, p. 357.