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tration de l’électricité libre dans un ciel serein.

Les physiciens se refusèrent pendant quelque temps à admettre ce dernier fait, dont l’explication théorique offrait des difficultés. On avait cru jusqu’alors, que la présence des nuages dans le ciel, était indispensable pour communiquer l’électricité à l’atmosphère. Peu de temps auparavant, Cassini, à l’Observatoire de Paris, ayant reconnu des signes de l’électricité dans une tige de fer disposée comme la précédente, quoiqu’il n’existât alors aucun nuage orageux, avait cru devoir admettre que l’électricité provenait, dans ce cas, de quelque nuée très-voisine de l’horizon, et que l’on ne pouvait apercevoir[1]. Les recherches de Lemonnier rectifièrent cette opinion ; il fut admis, dès ce moment, que l’électricité peut exister par tous les temps dans l’atmosphère.

Le père Berthier, religieux de l’Oratoire, répéta, à Montmorency, l’expérience de Dalibard. Il obtint un très-grand nombre d’étincelles électriques, et, s’étant sans doute imprudemment exposé, il reçut une commotion tellement forte, qu’il en fut renversé par terre.

De Romas, dont nous avons déjà rappelé les recherches, et qui, l’un des premiers, avait émis, en France, l’opinion, fondée sur l’observation, de l’origine électrique de la foudre, fut aussi l’un des premiers à répéter l’expérience de Marly[2]. Il éleva à Nérac des barres de fer isolées, et reconnut leur état électrique. Il varia beaucoup ses moyens d’expérimentation ; il imagina des dispositions nouvelles pour isoler complétement les barres métalliques et les rendre plus propres à résister à l’effort du vent. Pour ne pas être assujetti à une observation continuelle, il terminait le conducteur par un carillon électrique, dont les tintements répétés l’avertissaient en temps opportun. C’est ainsi qu’il put noter quelques faits importants d’électricité atmosphérique, tels que l’électrisation des barres en temps serein, leur électrisation par la pluie sans qu’il y eût d’orage, l’apparition des étincelles longtemps avant l’audition du bruit du tonnerre ; enfin, l’existence d’atmosphères électriques très-étendues autour des nuages orageux.

Dans la série de ses expériences, Romas voulut reconnaître si la barre de fer placée horizontalement attirerait aussi bien l’électricité atmosphérique que lorsqu’on la plaçait comme l’avait indiqué Franklin, c’est-à-dire dans la situation verticale. Il constata que la barre placée horizontalement s’électrisait à peine, même par les temps orageux. Pour faire cette expérience, Romas avait rendu mobile la barre de fer isolée. Au moyen d’une corde de soie, tenue dans sa main, il pouvait déranger cette barre mobile de sa position verticale, et l’incliner à volonté sur l’horizon, jusqu’à la rendre horizontale. Il reconnut, en opérant ainsi, que la tige perpendiculaire donnait de fortes étincelles, tandis que, disposée horizontalement, elle manifestait à peine des signes d’électricité. Ces dernières observations furent faites le 12 juillet 1752, et répétées plusieurs fois depuis cette époque.

Ce résultat conduisit Romas à soupçonner que l’intensité des phénomènes électriques pouvait croître en proportion de la hauteur des barres au-dessus du sol. Pour s’assurer de la justesse de cette conjecture, il dressa au-dessus du faîte de sa maison, et en les séparant par une distance de quinze pieds, deux barres, dont l’une était de dix pieds plus haute que l’autre. Il constata alors que, dans les mêmes conditions, c’était la première qui donnait toujours les plus fortes étincelles ; et, à partir de ce moment, il n’eut plus qu’une pensée, « celle de porter des

  1. Histoire de l’Académie des sciences pour 1752, p. 10.
  2. L’exposé des recherches de Romas sur les barres métalliques isolées est consigné dans six lettres adressées à l’Académie des sciences de Bordeaux, du 12 juillet 1752 au 14 juin 1753. Elles n’ont pas été imprimées, mais elles sont conservées, avec d’autres manuscrits de ce physicien, dans les archives de l’Académie de Bordeaux.