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Franklin mit en avant l’idée de l’analogie de la foudre et de l’électricité, et quand il songea au paratonnerre, comme conséquence de cette idée, il n’avait fait encore aucune expérience pour vérifier l’existence de l’électricité au sein de l’atmosphère. Tout ce qu’il dit à ce sujet repose sur des considérations purement théoriques et sur la connaissance du pouvoir des pointes. Lorsqu’il parle, à la fin du passage qui précède, de placer sur une guérite une barre de fer pointue et fixée à un tabouret isolé, c’est une expérience qu’il propose aux physiciens d’exécuter, comme un moyen de vérifier la justesse de ses conjectures ; mais cette expérience, il ne l’a pas faite lui-même.

Nous allons voir, par la suite de ce récit, que l’expérience proposée par le physicien de Philadelphie, et qui devait confirmer ou renverser cette vue théorique, fut accomplie par d’autres mains que les siennes. La démonstration expérimentale du grand fait de l’existence de l’électricité dans l’air, fut donnée pour la première fois, non en Amérique, mais en Europe, et par les soins des physiciens français.



CHAPITRE IV

accueil fait à londres aux lettres de franklin. — buffon les fait traduire en français. — expériences exécutées en france sur la présence de l’électricité dans l’atmosphère. — expériences de dalibard et de delor. — expérience de buffon à montbard. — découverte faite par lemonnier de la présence de l’électricité dans l’atmosphère par un temps serein. — répétition, par divers physiciens français, des expériences faites à paris. — le père berthier. — de romas. — continuation des expériences sur l’électricité des barres métalliques isolées. — canton et bevis en angleterre. — mort de richmann à saint-pétersbourg. — verrat. — th. marin. — expériences en allemagne et en italie. — boze. — gordon. — zanotti. — beccaria.

Les Lettres de Franklin à Pierre Collinson obtinrent en Europe un prodigieux succès :

« On n’a jamais rien écrit sur l’électricité, dit Priestley, qui ait eu plus de lecteurs et d’admirateurs que ces lettres, dans toutes les parties de l’Europe. Il n’y a presque point de langue en Europe dans laquelle on ne les ait traduites, et comme si ce n’était pas encore assez pour les faire bien connaître, on en a fait depuis peu une traduction en latin. »

Priestley néglige ici de nous dire que le succès du livre de Franklin ne dut rien au concours ni aux suffrages des savants anglais. Lorsque Collinson, à qui ces lettres sont adressées, lut devant la Société royale de Londres le manuscrit de Franklin, les idées contenues dans cet écrit n’excitèrent, parmi les membres de la savante compagnie, d’autres sentiments que ceux de l’incrédulité et de l’ironie. L’hypothèse de Franklin concernant la possibilité d’écarter la foudre au moyen d’une simple barre de fer pointue élevée en l’air, parut surtout empreinte d’une parfaite absurdité. Le mémoire de Franklin ne fut pas jugé digne d’être mentionné parmi les communications adressées à la Société royale et on ne l’inséra point dans ses Transactions philosophiques. Les savants de Londres ne pouvaient admettre qu’une idée de quelque valeur pût leur arriver de cette barbare Amérique, qui n’excitait que des mépris en Angleterre, en attendant qu’elle y excitât des fureurs par le triomphe de ses armes.

Cependant, dans cette réunion de physiciens si bien inspirés, il se trouva un savant, le docteur Fothergill, qui jugea cette production américaine trop importante pour être étouffée. Il conseilla à Collinson de faire imprimer ces lettres, et ce dernier les remit, dans cette intention, à l’éditeur d’une Revue, nommé Cave, qui publiait le Gentleman’s Magazine.

Cave préféra les publier en un volume qui parut à Londres, précédé d’une préface du docteur Fothergill. Le succès de cette publication fut considérable, car elle eut, en peu d’années, cinq éditions.

Sur le bruit de la considération qui fut