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« Mais, ajoute Pline en style magnifique, ces choses sont encore cachées dans la majesté de la nature (incerta ratione et in naturæ majestate abdita). »

César rapporte, dans ses Commentaires, que, pendant la guerre d’Afrique, après un orage affreux, qui jeta toute l’armée romaine dans le plus grand désordre, la pointe des dards d’un grand nombre de soldats brilla d’une lumière spontanée. De Courtivron[1], de l’ancienne Académie des sciences, a cru le premier pouvoir rapporter ce phénomène à l’électricité. Voici le passage de César :

« Vers ce temps-là parut dans l’armée de César un phénomène extraordinaire. Au mois de février, vers la seconde veille de la nuit, il s’éleva subitement un nuage épais suivi d’une grêle terrible ; et, la même nuit, les pointes des piques de la cinquième légion parurent s’enflammer[2]. »

L’histoire moderne fournit un grand nombre d’exemples de ces apparitions de flammes à l’extrémité des corps pointus. Tant que l’on ignora la cause de ces phénomènes, on y fit peu d’attention ; mais on les a recueillis avec soin dès que l’on a reconnu leur corrélation avec l’électricité atmosphérique.

De tous ces faits appartenant aux temps modernes, le plus curieux est assurément le suivant, qui a été publié pour la première fois par un physicien d’Italie, et reproduit ensuite dans l’un des Mémoires de l’abbé Nollet à l’Académie des sciences[3].

Sur un des bastions du château de Duino, situé dans le Frioul, au bord de la mer Adriatique, il y avait, de temps immémorial, une pique plantée verticalement, la pointe en haut. Dans l’été, lorsque le temps paraissait tourner à l’orage, le soldat qui montait la garde sur ce bastion, présentait de près, au fer de cette pique, le fer d’une hallebarde (brandistoco) qui était toujours placée là pour cette épreuve. Si le fer de la pique étinçelait beaucoup à l’approche de celui de la hallebarde, et qu’il jetât, par sa pointe, une aigrette lumineuse, la sentinelle sonnait aussitôt une cloche, qui se trouvait là. Les gens de la campagne et les pêcheurs en mer se trouvaient ainsi avertis de l’approche du mauvais temps, et sur cet avis chacun pouvait rentrer chez soi. L’ancienneté de cette pratique est prouvée par la tradition du pays, et par une lettre du P. Imperati, bénédictin, datée de 1602, dans laquelle il est dit, en faisant allusion à cet usage des habitants de Duino : Igne et hastâ utuntur, ad imbres, grandines procellasque præsagiendas, tempore præsertim æstivo.

Rien de plus curieux, rien de plus remarquable assurément, que cette coutume, qui fut sans doute révélée par quelque hasard heureux, aux habitants de cette partie des rives de l’Adriatique.

On a de tout temps observé, pendant les orages, des apparences, des aigrettes, des scintillations lumineuses brillant à l’extrémité des corps pointus qui sont très-élevés dans l’air, comme les mâts des vaisseaux et les clochers des églises. Tous les navigateurs ont signalé ces apparitions de lumière à la pointe des mâts, des vergues ou des cordages des vaisseaux. Dans l’antiquité, ces étincelles ou ces flammes étaient regardées comme des présages. Une seule flamme, qui recevait alors le nom d’Hélène, était un signe menaçant pour la traversée. Deux flammes (Castor et Pollux) prédisaient au contraire, du beau temps et un voyage heureux.

    cursûs prænuntiæ ; quarum adventu fugari diram illam ac minacem appellatamque Helenam ferunt. Et ob id Polluci et Castori his nomen assignant, eosque in mari deos invocant. Hominum quoque capiti vespertinis horis magno præsagio circumfulgent. » (Plinii Historia naturalis, lib. II.)

  1. Histoire de l’Académie des sciences de Paris, pour 1752, p. 10.
  2. « Per id tempus fere Cæsaris exercitui res accidit incredibilis auditu ; nempe vigiliarum signo confecto, circiter vigilia secunda noctis, nimbus cum saxea grandine subito est coortus ingens ; eadem nocte, legionis quintæ cacumina sua sponte arserunt. » (Cæsaris Comment. de Bello Africano, cap. vi.)
  3. Lettera di Gio. Fortunato Bianchini, dott. medic. intorno un nuovo fenomeno elettrico, all. Acad. R. di Scienze di Parigi, 1758. — Mémoires de l’Académie des sciences de Paris, 1794, p. 445, dans une note placée à la fin d’un Mémoire de l’abbé Nollet sur la cause et les effets du tonnerre.