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main se répand en compliments respectueux, il leur demande pardon de l’extrême liberté qu’il a prise, protestant qu’il ne veut leur faire aucun mal, et laissant entrevoir qu’il pourrait les délivrer à cette condition :


Quoque modo possint fulmen monstrare piari,

c’est-à-dire de lui apprendre la manière d’apaiser, de conjurer la foudre.

Cette demande hardie n’est pas absolument rejetée par Faunus, qui répond :

Dî sumus agrestes, et qui dominemur in altis
Montibus : arbitrium est in sua tela Jovi.
Nunc tu non poteris per te deducere cœlo ;
At poteris nostrâ forsitan usus ope.


« Nous sommes des dieux champêtres et qui habitons le sommet des montagnes. Nous pouvons disposer des foudres de Jupiter. Tu ne pourrais maintenant les obtenir toi-même du ciel, mais peut-être pourrais-tu y réussir avec notre secours. »

Martius Picus reconnaît qu’il possède l’ars valida, et qu’il est disposé à le transmettre. Le marché se conclut, le secret est révélé, et l’on prend jour pour le mettre à l’épreuve. Au jour fixé, Numa et les siens se rassemblent solennellement.

Le soleil se levait radieux aux courbes lointaines de l’horizon, lorsque Numa, la tête voilée de blanc, élève ses mains au ciel, et demande que la promesse des dieux soit remplie.

Dum loquitur, totum jam sol emerserat orbem,
Et gravis æthereo venit ab axe fragor.
Ter tonuit sine nube Deus, tria fulgura misit.


« Tandis qu’il parle, le disque entier du soleil s’est montré ; un bruit éclatant retentit au plus haut des airs. Dans un ciel sans nuages, Jupiter a tonné trois fois, et trois éclairs ont resplendi. »

Alors la voûte d’azur s’ouvre dans les cieux, et le bouclier sacré tombe aux pieds du monarque.

C’est d’après ce récit mythologique d’Ovide que beaucoup de commentateurs ont cru pouvoir admettre que Numa apprit des prêtres étrusques le secret de conjurer la foudre et de la faire descendre, inoffensive, du sein des nuées.

S’il faut en croire les historiens de Rome, Numa Pompilius répéta plusieurs fois, avec succès, cette expérience religieuse. N’employant ce secret que pour le service des dieux, il put en user sans être puni. Mais il en fut autrement de son successeur Tullus Hostilius, qui, ayant voulu dénaturer l’emploi de l’arcane divin, fut frappé de mort.

Pline et Tite-Live ont raconté, sous la responsabilité de Lucius Pison et de ses Annales anciennes, comment le secret de Numa se transmit à Tullus Hostilius.

Pline nous dit que Tullus apprit dans les livres de Numa l’art d’attirer le tonnerre, mais que l’ayant pratiqué d’une façon inexacte (parum ritè) il fut foudroyé[1]. Il répète à peu près les mêmes paroles dans une autre partie de son ouvrage. Mais là, derechef, et toujours sur la foi des Annales anciennes de Pison (gravis auctor, nous dit-il), il affirme que la foudre pouvait être forcée à descendre du ciel par certains rites sacrés, ou par les prières ; et il cite Porsenna, roi des Volsques, qui l’avait évoquée aussi de la même manière. Pline ajoute que l’on eut recours à ce moyen pour délivrer la ville de Volsinies, dans l’Étrurie, d’un monstre qui la ravageait.

Ce monstre, pour le dire en passant, avait reçu le nom de Volta, rencontre bien originale, il faut l’avouer, si l’on se rappelle le nom de Volta, le célèbre physicien de Pavie qui s’est tant illustré par ses découvertes sur l’électricité[2].

Tite-Live raconte avec un peu plus de dé-

  1. L. Piso primo Annalium, auctor est Tullum Hostilium regem ex Numæ libris, eodem quo illum sacrificio Jovem cœlo devocare conatum, quoniam parum rite quædam fecisset, fulmine ictum. (Plinii Hist. nat. lib. XXVIII, cap. iv.)
  2. Exstat Annalium memoria, sacris quibusdam et precationibus, vel cogi fulmina, vel impetrari. Vetus fama Etruriæ est, impetratum Volsinios urbem, agris depopulatis subeunte monstro, quod vocavere Voltam. Evocatum est a Porsenna suo rege. (Plinii, Hist. nat., lib. II, cap. liv.)