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Eusèbe Salverte qui, dans son ouvrage sur les Sciences occultes, a consacré un long chapitre à signaler les connaissances des anciens dans l’art de conjurer la foudre, n’est pas éloigné de croire que Salmonée possédait en effet quelque méthode qui permettait « de soutirer des nuages la matière électrique, et de l’amasser au point de déterminer bientôt une effrayante explosion ». Il fait remarquer à l’appui de ses conjectures, qu’en Élide, théâtre des succès de Salmonée et de la catastrophe qui y mit un terme, on voyait, près du grand autel du temple d’Olympie, un autel[1] entouré d’une balustrade, et consacré à Jupiter Catabatès (qui descend) : « Or ce surnom fut donné à Jupiter pour marquer qu’il faisait sentir sa présence sur la terre par le bruit du tonnerre, par la foudre, par les éclairs, ou par de véritables apparitions[2]. »

L’explication que donne Eustathius au xiie siècle de la fable de Salmonée, est toute gratuite, et ne repose sur aucun fondement. Quant à l’extension qu’Eusèbe Salverte a voulu donner à la même fable, en accordant à Salmonée toute la science des modernes, elle exagère encore, et sans plus de fondement historique, une explication de fantaisie.

Parmi les anciens peuples de l’Asie, on a signalé quelques traditions qui se rattachent, d’une manière plus ou moins claire, à l’art de conjurer la foudre. Elles se rapportent surtout à Zoroastre, le célèbre fondateur de la religion des Mages.

Khondémir rapporte que le démon apparaissait à Zoroastre au milieu du feu, et qu’il imprima sur son corps une marque lumineuse[3]. Suivant Dion Chrysostome[4], lorsque Zoroastre quitta la montagne où il avait longtemps vécu dans la solitude, il parut tout brillant d’une flamme inextinguible, qu’il avait fait descendre du ciel. L’auteur des Récognitions, attribuées à saint Clément d’Alexandrie[5], et Grégoire de Tours[6], affirment que, sous le nom de Zoroastre, les Perses révéraient un fils de Cham, qui, par un prestige magique, faisait descendre le feu du ciel, ou persuadait aux hommes qu’il avait ce miraculeux pouvoir.

Une tradition, répétée par plusieurs auteurs anciens, rapporte que Zoroastre, roi de la Bactriane, périt brûlé par le démon, qu’il importunait trop souvent pour répéter son brillant prodige. Ces expressions semblent désigner un physicien qui, répétant plusieurs fois une expérience dangereuse, négligea un jour de prendre les précautions nécessaires et tomba victime de cet oubli.

Suidas[7], Cédrénus et la Chronique d’Alexandrie disent que Zoroastre, assiégé dans sa capitale par Ninus, demanda aux dieux d’être frappé de la foudre, et qu’il vit son vœu s’accomplir, après qu’il eut recommandé à ses disciples de garder ses cendres comme un gage de la durée de leur puissance. Suivant une autre tradition qui diffère peu de la précédente, Zoroastre, décidé à mourir pour ne point tomber au pouvoir du vainqueur, dirigea la foudre contre lui-même ; par un dernier miracle de son art, il se donna une mort extraordinaire, bien digne de l’envoyé du ciel et du pontife ou de l’instituteur du culte du feu.

De quelques textes confus qui se rapportent au fondateur de la religion des Mages et à celles de ses opérations cabalistiques où il est question de la foudre, on a cru pouvoir induire que Zoroastre avait des notions sur l’électricité ; qu’il avait trouvé le moyen de faire descendre la foudre des cieux, qu’il s’en servit pour opérer les premiers miracles destinés à prouver sa mission prophétique, et surtout pour allumer le feu sacré qu’il offrit à

  1. Pausanias, Eliac., lib. I, cap. xiv.
  2. Encyclop. méthod. Antiquités, t. I, art. Catabatès.
  3. D’Herbelot, Biblioth. orientale, art. Zerdascht.
  4. Dion Chrysost., Orat. Borysthen.
  5. Recogn., lib. IV.
  6. Greg. Turon., Hist. Franc., lib. I, cap. v.
  7. Suidas, verbo Zoroastris. — Glycas, Annal., p. 12.