Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/500

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Qu’une plus grande quantité de cette même matière vienne à fermenter dans le corps même de la nuée, aussitôt grande effervescence, bouillonnement, explosion ; et si cette première portion, éclatant ainsi, en rencontre une semblable qui n’ait point tout ce qu’il lui faut de mouvement pour éclater elle-même, elle l’anime de son action, et celle-ci une troisième ; de proche en proche il se fait une suite d’explosions d’autant plus violentes, que ces matières seront enveloppées de nuages plus épais. C’est ainsi, dit-on, que se font ces coups simples et redoublés qu’on entend quand il tonne, et dont les échos peuvent encore augmenter la durée. Voilà ce qu’on appelle tonnerre proprement dit.

« La nuée, entr’ouverte par les grandes explosions, laisse échapper une partie de ces feux qu’elle renferme ; autant de fois que cela arrive, c’est un éclair plus vif que les précédents, et qui annonce un coup, que nous n’entendons pourtant que quelques instants après, parce que le bruit ou le son ne se transmet pas avec autant de promptitude que la lumière. Suivant l’expérience de M…, de l’Académie des sciences, on doit compter cent soixante-treize toises pour chaque seconde de temps, ou chaque battement de pouls, qui s’écoule entre le moment où l’on voit l’éclair et celui où l’on entend le tonnerre. Si on ne l’entend par exemple, qu’après quatorze secondes, c’est une preuve que la nuée est éloignée d’une lieue commune de France, de deux mille quatre cent cinquante toises, au lieu que la lumière, n’employant que sept minutes à venir du soleil jusqu’à nous, parcourt en une seconde soixante dix-huit mille cent soixante-sept lieues, et en quatorze secondes un million quatre-vingt-quatorze mille trois cent trente-huit lieues ; il n’y a donc pas d’intervalle sensible entre le moment où l’éclair sort du nuage et celui où nous le voyons.

« Dans le moment où l’on entend le tonnerre, il sort une vapeur enflammée qu’on appelle la foudre, qui crève la nuée, tantôt par en haut, tantôt par en bas ou de côté, qui s’élance avec une vitesse proportionnée à son explosion, comme la poudre qui s’enflamme dans une bombe porte son action aux environs, quand elle a brisé le métal qui la retenait. La foudre part donc à chaque coup de tonnerre qui est précédé d’un éclair, mais elle ne frappe les objets terrestres que quand elle éclate dans une direction qui l’y conduise. »

Pour prêter de la force à cette théorie, les physiciens du dernier siècle invoquaient les observations et les découvertes de la chimie encore à sa naissance. On comparait à celui des chimistes le grand laboratoire de l’univers. La terre, disait-on, est une source continuelle de vapeurs et d’exhalaisons qui s’élèvent dans les airs. Les trois règnes de la nature sont soumis à cette loi. Les animaux perdent sans cesse, par la transpiration, une partie de leur substance ; de la surface extérieure des plantes, s’exhalent continuellement des matières vaporisées, qui sont quelquefois, grâce à leur odeur, appréciables à nos sens. Les diverses substances qui composent le règne minéral ne font pas exception à cette règle, et l’eau qui est répandue sur le globe en si grande abondance, se trouve aussi dans un état continuel d’évaporation. Ces vapeurs et ces exhalaisons différentes, qui sont composées, disait-on, de soufre, de bitume, de nitre ou de sel, en un mot de toutes les substances sulfureuses, grasses, inflammables et volatiles des animaux, végétaux et minéraux, s’élèvent dans l’atmosphère ; elles y flottent au gré des vents, et y subissent une infinité de combinaisons. On ajoutait que la chaleur du soleil, le mouvement dont tous les corps sont animés, les feux souterrains, etc., élèvent dans les airs des particules oléagineuses, salines, sulfurées et aqueuses. Mêlées et combinées par le souffle des vents, ces matières peuvent fermenter et s’enflammer. Cet effet se produit dans les moments d’orage. Les exhalaisons terrestres sont alors agitées et réunies ; leur mélange, leur choc et leur frottement les font fermenter toutes à la fois. Il résulte de cette fermentation générale, une inflammation de ces divers fluides, et une détonation qui constitue le tonnerre et la foudre.

Les vapeurs terrestres, disait-on, peuvent s’embraser dans l’air, comme le font, dans le laboratoire du chimiste, divers produits inflammables. On citait en exemple, la poudre à canon et les diverses compositions détonantes que l’on savait préparer à cette époque, telles que l’or et l’argent fulminant. Les nombreux pyrophores que les chimistes étudiaient alors avec tant de curiosité, le pyrophore de Homberg et celui de Geoffroy, le volcan de Lémery (sulfure de fer), le phosphore de Brandi et de Kunckel, c’est-à-dire notre phosphore actuel,