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caves dont les foyers concourent dans un foyer commun, on comprend aisément que les rayons du soleil, ainsi réfléchis et rassemblés dans un même lieu, doivent produire une chaleur excessivement prodigieuse. Le premier effet de cette chaleur sera de dilater considérablement l’air environnant et de causer une espèce de vide dans l’espace renfermé entre les nuées ; mais bientôt après, ces mêmes nuées venant à changer de situation et les foyers se trouvant détruits, l’eau, la neige, la grêle et généralement tout ce qui environne le vide dont nous avons parlé, mais surtout les grandes masses de glace qui forment les nuées mêmes, fondent avec une impétuosité sans pareille les unes vers les autres pour remplir ce vide. L’énorme vitesse du mouvement par lequel toutes ces matières sont emportées occasionne un frottement si violent de toutes les parties les unes contre les autres, qu’il s’ensuit non-seulement un bruit éclatant et quelquefois horrible, mais encore l’inflammation de toutes les exhalaisons sulfureuses, grasses et huileuses qui se trouvent dans le voisinage, et dont l’air est toujours chargé abondamment pendant les grandes chaleurs. Ainsi il n’est pas étonnant que le tonnerre soit presque toujours accompagné d’éclairs… »

Fig. 259. — Boerhaave.

L’idée de Boerhaave sur la concentration des rayons solaires par de petites masses d’eau congelée flottant au sein des nues ne fut pas acceptée, car on ne pouvait admettre que les rayons du soleil traversassent, sans les fondre, ces corpuscules de glace. Mais la seconde idée présentée par l’illustre physicien hollandais, resta universellement adoptée, car elle répondait à une opinion fort en faveur depuis l’antiquité. On admit donc, avec Boerhaave, que le phénomène des éclairs et de la foudre provenait de l’inflammation de toutes les exhalaisons sulfureuses, grasses, huileuses et essentiellement combustibles, qui, émanées de la terre, viennent se réunir et s’accumuler dans les airs.

Cette explication physique du tonnerre, fort plausible pour cette époque, devint la théorie dominante, l’opinion classique jusqu’au milieu du xviiie siècle ; c’est contre ce système chimérique que dut lutter plus tard la théorie des électriciens.

Ainsi, dans l’opinion des physiciens de cette époque, on considérait la matière du tonnerre comme un mélange de toutes sortes d’exhalaisons terrestres, susceptibles de s’enflammer soit par l’effet d’une fermentation spéciale, soit par le choc et la pression des nuées, que les vents agitent et poussent violemment les unes contre les autres. Lorsqu’une portion considérable de ce mélange vient à prendre feu, disait-on, il se fait une explosion plus ou moins forte, suivant la quantité ou la nature des matières qui s’enflamment.

Comme cette théorie du tonnerre a joué un grand rôle dans l’histoire de la physique, nous croyons utile de la préciser exactement. Pour en donner une idée complète, nous citerons un passage de la Météorologie du père Cotte, dans lequel l’auteur développé et commente avec lucidité la théorie admise de son temps sur la cause du tonnerre :

« Si l’inflammation des exhalaisons terrestres se fait sur une médiocre quantité de matières, et au bord de la nuée, dit le père Cotte, cet effet se passe sans bruit, au moins à notre égard, il n’en résulte qu’un éclat de lumière, à peu près comme si nous apercevions de loin une certaine quantité de poudre qui s’enflammât librement et en plein air, sans être renfermée. Voilà l’éclair qui nous éblouit sans nous rien faire entendre, et qu’on appelle éclair de chaleur.