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vois beaucoup à faire touchant la machine pour appliquer la poudre à canon à lever des poids considérables, et j’en fis l’essai moi-même quand on la présenta à M. de Colbert[1]. »

Le célèbre Huygens, l’inventeur des horloges à pendule, habitait alors notre capitale. Il avait consenti à se fixer en France, sur les instances de Colbert, qui, en fondant l’Académie des sciences, l’avait inscrit l’un des premiers sur la liste de ses membres. Pour décider le savant hollandais à résider en France, Colbert lui faisait une forte pension, et lui avait accordé un logement à la Bibliothèque royale.

Papin prêtait son aide à Huygens pour ses expériences de mécanique, et partageait son logement. Il avait dû cette position avantageuse à la protection de madame Colbert, femme d’un grand mérite, originaire de Blois, et à laquelle, selon Bernier, « une infinité de gens de ce pays devaient leur fortune[2] ».

Denis Papin publia son premier ouvrage à Paris, en 1674, sous ce titre : Nouvelles Expériences du vuide, avec la description des machines qui servent à le faire. Ce petit écrit, qui n’existe plus de nos jours, contenait la description de certaines modifications de faible importance apportées à la machine du bourgmestre de Magdebourg[3]. Les Nouvelles Expériences du vuide furent accueillies avec faveur. M. Hublin, célèbre émailleur du roi, ami particulier de Papin, présenta l’ouvrage à l’Académie des sciences, et le Journal des savants le signala avec éloges.

La carrière s’ouvrait donc pour le jeune physicien, sous les plus heureux auspices. Le petit nombre d’hommes instruits qui se trouvaient alors dans la capitale, tenaient dans la plus grande estime sa personne et ses talents, et le Journal des savants, dispensateur de la considération et de la fortune scientifiques, l’accueillait avec faveur. Cependant, une année après, nous voyons Papin quitter subitement la France, pour passer en Angleterre.

Quel motif pouvait le porter à abandonner sa patrie ? Avait-il encouru la disgrâce de Colbert ? Obéissait-il simplement à cette humeur un peu vagabonde qui le fit appeler par un de ses contemporains, le philosophe cosmopolite ? On l’ignore. Les historiens et les auteurs de mémoires de la fin du xviie siècle, tout entiers au récit des intrigues des cours, ou des événements de la guerre, n’ont pas une ligne à consacrer à ces esprits d’élite qui employaient tous les moments de leur laborieuse existence à préparer à l’humanité des destinées meilleures, et qui souvent ne recevaient, en retour, que la misère ou l’oubli. Le nom d’Amontons, l’un des physiciens français les plus remarquables du xviie siècle, est à peine prononcé dans les écrits de l’époque, et le génie de Mariotte s’éteignit au milieu de l’indifférence de son temps. Papin n’a pas attiré davantage l’attention des historiens. C’est dans ses propres ouvrages, dans un petit nombre de recueils scientifiques, ou dans les lettres éparses de quelques savants dont la correspondance s’est conservée, qu’il faut aller puiser les rares documents qui nous restent sur les événements de sa vie.

Tous ces documents sont muets sur la cause de son départ pour Londres ; le Journal des savants nous apprend seulement que c’est à la fin de l’année 1675 qu’il quitta Paris[4].

Peu de temps après son arrivée en Angleterre, Papin eut l’heureuse inspiration de se présenter à Robert Boyle, l’illustre fondateur de la Société royale de Londres. C’est ce que nous apprend Boyle lui-même : « Il arriva heureusement, dit-il, qu’un certain traité françois, petit de volume, mais très-in-

  1. Acta eruditorum Lipsiæ, septemb. 1688.
  2. Histoire de Blois, 1782. Épître-dédicace.
  3. Les modifications apportées par Denis Papin à la machine pneumatique d’Otto de Guericke se trouvent reproduites dans un article de Papin, imprimé dans les Actes de Leipsick, au mois de juin 1687, sous ce titre : Augmenta quædam et experimenta nova circa antliam pneumaticam, facta partim in Anglia, partim in Italia.
  4. Journal des savants, du 17 février 1676.