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leurs tensions électriques seront toutes deux supérieures ou inférieures à celle de l’atmosphère environnante, et s’attireront quand l’une de ces deux tensions sera plus forte et l’autre plus faible que celle du milieu environnant.

En étudiant les calculs de Poisson sur la distribution de l’électricité libre dans l’intérieur des corps conducteurs, Bigeon a vu qu’ils s’appliquaient très-naturellement à l’hypothèse du fluide unique. Il faut seulement, dans les calculs, ajouter au nombre des propriétés du fluide électrique admises par Poisson, une sorte d’incompressibilité ou une force élastique considérable, et admettre aussi que la quantité d’électricité qu’il est possible d’enlever ou d’ajouter aux corps électrisés, est infiniment petite par rapport à celle qu’ils renferment.

Se fondant sur les expériences de Davy, qui a démontré que les phénomènes électriques se manifestent dans le vide, Bigeon arriva à conclure que le vide contient du fluide électrique et qu’une partie de ce fluide est indépendante du milieu environnant, cette partie étant très-petite relativement à celle qui adhère aux molécules du corps électrisé.

Ainsi, dans l’air atmosphérique, chaque molécule est entourée d’une certaine quantité d’électricité qui ne s’en sépare que difficilement ; en ajoutant dès lors à un même espace une nouvelle quantité d’air, ou en enlevant une partie de celui qu’il renferme, ce qui revient à augmenter ou à diminuer sa densité par un moyen quelconque, on augmentera ou on diminuera en même temps sa tension électrique, et les corps placés dans son intérieur, précédemment en état d’équilibre électrique, se trouveront trop peu ou trop électrisés par rapport à lui, et devront dès lors manifester des propriétés électriques. C’est ce que Bigeon a observé en effet dans l’expérience suivante.

Si on suspend sous une cloche dans laquelle on peut faire le vide, et près d’une boule de moelle de sureau fixe et isolée, une autre boule, placée à l’extrémité d’un fil de gomme-laque horizontal, soutenue par un fil de cocon, on observe en faisant le vide sous cette cloche qu’une très-faible diminution dans la densité de l’air, produit toujours une répulsion qui disparaît en rendant l’air. Cette expérience contredit formellement la théorie des deux électricités ; car on ne peut, en ôtant du fluide naturel, laisser que du fluide naturel, et il n’y a pas de raison pour que l’électrisation des boules se produise et soit accusée par une répulsion, tandis que, dans l’hypothèse d’un seul fluide, diminuer la densité de l’air c’est diminuer la tension électrique du milieu environnant ; donc les tensions des deux boules électrisées sont toutes deux plus grandes que la tension du milieu ambiant, et il y a répulsion.

Bigeon est donc parvenu, par l’expérience et le raisonnement, à faire tomber l’objection d’Œpinus, et il n’est plus nécessaire, pour admettre l’existence d’un fluide unique, de supposer les molécules de la matière douées d’une force répulsive.

La seconde objection élevée contre le système de Franklin consiste à dire qu’une absence d’électricité, qui, dans cette théorie, représente l’état négatif des corps électrisés, ne pouvait obéir aux mêmes lois, se mouvoir de la même manière que le fluide positif. Mais il suffit pour réfuter cette objection de rappeler que Franklin a dit : Un corps est électrisé négativement quand on lui enlève une partie, mais non pas la totalité de son fluide naturel.

La troisième objection contre la théorie de Franklin consiste à dire que l’on ne saurait admettre une sorte d’affinité élective dans un fluide qui se distribue, d’après une même loi, à la surface de tous les corps indifféremment, et sans aucune différence déterminée par leur composition chimique. Cette troisième objection a été réfutée en ces termes par Edm. Robiquet, agrégé de physique à