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C’est ce que l’on désigne aujourd’hui sous le nom d’expérience du carreau fulminant.

Cette expérience est représentée page 472 (fig. 247), un carreau de verre fait d’un cadre de bois est garni sur ses deux faces d’une lame d’étain, dont l’une entourée au moyen d’un prolongement métallique c, est en communication avec le cercle de bois par un anneau et une chaîne métalliques A. Pour charger ce condensateur, on fait communiquer la lame d’étain de la face supérieure avec une machine électrique et l’anneau avec le sol, au moyen de la chaîne. La condensation de l’électricité s’effectue à travers la lame de verre. Quand on réunit au moyen d’un excitateur les deux lames métalliques, il en résulte une forte décharge.

Telle est l’expérience qui servit à Bevis à prouver que l’intensité de la décharge d’une bouteille de Leyde dépend de l’étendue de la surface sur laquelle est déposée l’électricité, et non de l’intensité de la source d’électricité.

Cependant, ces diverses remarques ne fournissaient encore que des lumières bien incertaines pour expliquer le phénomène de la bouteille de Leyde. Depuis un an, les expériences, les faits acquis, s’étaient multipliés singulièrement, mais la théorie n’avait pas fait un pas. On avait varié et perfectionné la construction de cet instrument sans pouvoir encore hasarder la moindre explication de ses effets. L’empirisme seul avait appris à donner aux pièces de la bouteille de Musschenbroek la place qu’on leur assignait. On savait bien qu’il fallait, pour exécuter l’expérience, placer un corps non conducteur de l’électricité entre deux surfaces conductrices ; mais quel rôle physique remplissait chacun des éléments de cet appareil, on l’ignorait encore d’une manière absolue. Il fallait que cet appareil traversât les mers, pour aller trouver au sein du Nouveau-Monde le philosophe ingénieux, le rigoureux observateur, qui devait éclairer d’une lumière subite et inattendue une matière dont tous les physiciens de l’Europe avaient été impuissants à dissiper l’obscurité.



CHAPITRE VI

travaux de franklin. — théorie du fluide unique. — analyse physique de la bouteille de leyde. — expériences diverses invoquées par franklin pour établir la théorie physique de la bouteille de musschenbroek.

Ce fut dans l’été de l’année 1747 que le hasard amena l’illustre Franklin à s’occuper pour la première fois, des phénomènes électriques. Par son éducation, Franklin était loin d’avoir été préparé à la culture des sciences, mais la nature lui en avait donné le génie, et son exemple prouve suffisamment combien la flamme de l’inspiration scientifique peut se faire jour et briller au dehors en dépit du concours incessant des circonstances contraires. D’abord apprenti dans une fabrique de chandelles, ensuite ouvrier imprimeur, enfin directeur d’un journal économique, dépourvu de toute instruction première, à peine dégrossi par un voyage sans résultat entrepris en Europe, séparé par une distance de deux mille lieues des pays où florissaient les sciences, privé ainsi de tout conseil, de toute direction qu’auraient pu lui fournir des physiciens engagés dans les mêmes travaux, entièrement dépourvu d’instruments de recherches et d’ailleurs sans ressources pécuniaires pour en faire construire en Europe : tel était l’homme qui s’apprêtait à aborder l’étude des phénomènes électriques avec l’espoir de résoudre les problèmes difficiles qui s’offraient pour la première fois à son esprit investigateur. Franklin avait reçu de la nature l’originalité dans la conception et l’indépendance dans les vues. Son esprit, qui n’avait pas été embarrassé de bonne heure dans les replis des vicieux systèmes de la physique de son temps, s’ouvrait librement et sans entraves aux simples lumières de la vérité et de la raison. Cette virginité intellectuelle, attribut rare et précieux, fut la source