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était en train de s’accomplir, l’industrie commençait chez tous les peuples à prendre son essor. Cependant l’âme manquait au grand corps qui s’organisait : l’industrie n’avait point de moteur, ou n’avait que des moteurs insuffisants. La force des hommes et des chevaux, la puissance des vents, l’action des torrents et des cours d’eau, insuffisantes dans bien des cas, sous le rapport de l’intensité motrice, faisaient défaut dans beaucoup de localités, ou ne pouvaient s’appliquer commodément et avec économie aux besoins de l’industrie. Or, quand on se rappelait que, d’après les découvertes de Pascal, chaque décimètre carré (pour employer les mesures de nos jours) de la surface de tous les corps placés sur la terre, supporte, par l’effet de la pression atmosphérique, un poids équivalent à 100 kilogrammes, et quand on voyait Otto de Guericke apporter le moyen pratique d’anéantir, à un moment donné, la résistance qui s’oppose à la manifestation de cette force, on ne pouvait s’empêcher d’espérer une application prochaine de ce remarquable fait. Tous les physiciens de cette époque étaient frappés de la grandeur et de l’avenir de cette idée, et chacun pressentait qu’il y avait dans les expériences du bourgmestre de Magdebourg les préludes d’une révolution capitale dans les moyens de l’industrie.

Lorsque, par le progrès des temps, les sciences ont amassé un certain nombre de faits théoriques, susceptibles de s’appliquer utilement aux besoins des hommes, il est rare que quelque grand esprit n’apparaisse pas, au moment nécessaire, pour tirer de ces notions générales les conséquences qu’elles renferment, et pour hâter l’instant où l’humanité doit être mise en possession de ces biens nouveaux. L’homme de génie qui devait féconder, pour l’avenir, l’ensemble des belles découvertes dont le récit vient de nous occuper, ne se fit pas attendre. Il était Français et s’appelait Denis Papin.

CHAPITRE V

denis papin. — sa vie et ses travaux.

Papin naquit à Blois, le 22 août 1647, d’une famille considérée dans le pays, et qui appartenait à la religion réformée. Il était fils d’un médecin et avait pour parent Nicolas Papin, autre médecin connu par quelques ouvrages scientifiques. On ne sait rien sur son enfance ni sur les événements de sa jeunesse ; il paraît seulement qu’il avait ressenti de bonne heure un goût très-vif pour les sciences mathématiques. L’éducation publique était alors, dans la ville de Blois, entre les mains des jésuites, qui accordaient, à cette époque, une assez grande part à l’étude des sciences. Les protestants fréquentaient quelquefois les écoles des jésuites : Papin dut recevoir chez eux ses premières leçons de mathématiques.

Il fit à Paris ses études médicales. Cependant ce n’est pas dans cette université qu’il reçut son grade de docteur, car son nom ne figure pas sur la liste des gradués de la Faculté de Paris, publiée en 1752, et qui comprend les noms de tous les docteurs, à partir de l’année 1539. Orléans possédait une université ; il est donc probable que ce fut dans la capitale de sa province que Denis Papin alla recevoir son grade.

Quoi qu’il en soit, on le trouve à l’âge de vingt-quatre ans établi à Paris pour y exercer sa profession. Mais son inclination naturelle pour les sciences physiques, lui rendait sans doute plus aride le pénible sentier de la carrière médicale. Il ne tarda pas à tourner exclusivement son esprit vers les travaux de la physique expérimentale et de la mécanique appliquée. Il avait rencontré quelques protecteurs puissants qui favorisaient son goût pour ce genre de recherches.

« J’avois alors, nous dit-il lui-même, l’honneur de vivre à la bibliothèque du roi et d’aider M. Huygens dans un grand nombre de ses expériences. J’a-