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des fils dans l’intervalle d’une seconde, il hésitait, avec raison, à accorder confiance à ce chiffre, qu’il n’avait obtenu qu’un certain nombre de fois dans dix-sept expériences consécutives.

Il résolut donc de continuer les mêmes recherches, avec un fil de fer beaucoup plus long, et en suivant une méthode plus exacte que celle de l’emploi des montres.

Dans un vaste enclos qui appartenait au couvent des Chartreux, Lemonnier disposa deux fils de fer parallèles, longs chacun de 950 toises et distants entre eux de quelques pieds. Ces deux fils faisaient le tour de l’enclos et revenaient à leur point de départ ; de telle sorte que leurs extrémités venaient aboutir à l’endroit même où se trouvait placée la bouteille de Leyde. Un observateur, placé en ce point, tenait dans chaque main une des extrémités de ce fil conducteur. Il établissait ainsi, à l’aide de son corps, une communication au moyen de laquelle pouvait se faire la décharge de la bouteille. Placé de cette manière, cet observateur pouvait apercevoir l’étincelle, qui partait de la bouteille au moment où un autre opérateur déchargeait cette bouteille en l’approchant du point de départ du double fil conducteur qui parcourait l’enclos. Il pouvait donc juger si le coup qu’il ressentait dans les bras, venait après l’explosion de l’étincelle, ou en même temps.

Tout étant préparé de cette manière, Lemonnier prit dans sa main droite, la bouteille, et de sa main gauche, il approcha peu à peu de l’extrémité de ce fil la bouteille de Leyde électrisée.

Quand l’étincelle partit, l’observateur placé à l’extrémité du conducteur, ressentit la commotion, au moment même où il voyait briller la lueur de cette étincelle[1].

Ayant répété l’expérience en tenant lui-même les deux fils, et faisant décharger la bouteille par son aide, Lemonnier obtint les mêmes résultats.

Il la fit répéter aussi par un grand nombre d’autres personnes, et chacun tomba d’accord que l’on ne pouvait saisir aucun intervalle appréciable entre la lumière et le coup, et que par conséquent l’électricité parcourait sans une succession reconnaissable un espace de 950 toises, c’est-à-dire près d’une demi-lieue.

« Il aurait été facile d’observer, dit Lemonnier, un quart de seconde s’il y avait eu cet intervalle entre la lumière et le coup ; d’où il résulte que la vitesse de la matière électrique, lorsqu’elle parcourt un fil de fer, est au moins trente fois plus grande que celle du son[2]. »

En ne concluant rien au delà des résultats fournis par l’expérience, Lemonnier restait fidèle aux principes rigoureux qui doivent guider dans les sciences d’observation ; mais il n’était pas difficile de prévoir que les mêmes essais, exécutés sur des distances plus considérables, donneraient une idée bien plus élevée encore de la vitesse de transport de l’électricité.

Les observations qui venaient d’être faites en France pour la première fois, concernant la rapidité de propagation du fluide électrique, furent continuées par les physiciens anglais, qui les poussèrent jusqu’à de très-grandes distances. Ces recherches eurent beaucoup d’éclat et même de majesté.

Plusieurs membres de la Société royale de Londres, entre autres Martin Folckes, qui en était alors président, Cavendish et Bevis, se réunirent pour procéder à ces expériences, dont la direction fut confiée à Watson.

Les premiers essais qui furent exécutés les 14 et 18 juillet 1747, eurent pour but de transporter le courant électrique à travers la Tamise, en employant l’eau de ce fleuve comme une partie de la chaîne conductrice. À cet effet, on plaça près de Westminster,

  1. Mémoires de mathématiques et de physique de l’Académie royale des sciences de Paris pour 1746, p. 456-457.
  2. Mémoires de mathématiques et de physique de l’Académie royale des sciences de Paris pour 1746, p. 457.