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ci est doué de l’électricité vitrée. On aperçoit ici la première trace de l’électromètre, instrument précieux qui sert à la fois à dévoiler la présence de l’électricité, à en déterminer l’espèce et à en mesurer la force.

Mais ce qui contribua surtout à rendre le nom de Dufay célèbre parmi les physiciens et à le populariser dans le gros du public, ce fut l’expérience dans laquelle il montra pour la première fois, que l’on peut tirer des étincelles électriques du corps humain.

Grey, en Angleterre, avait déjà prouvé que le corps de l’homme peut devenir électrique. Comme nous l’avons dit, le physicien anglais avait suspendu sur des cordons de soie, un jeune garçon, et, le touchant avec un tube électrisé par le frottement, c’est-à-dire avec la machine électrique de cette époque, il avait constaté que le corps de la personne ainsi isolée, avait acquis la vertu électrique, car il attirait les corps légers. Il avait même cru reconnaître que les pieds n’agissaient pas, dans cette circonstance, avec autant d’intensité que la tête. Mais Grey, en raison de l’insuffisance de l’appareil électrique qu’il avait à sa disposition, n’était pas allé jusqu’à tirer une étincelle du corps humain. Dufay obtint ce dernier résultat, qui causa une vive impression sur l’esprit de ses contemporains.

Ayant attaché au plafond deux cordons de soie, destinés à produire l’isolement électrique, Dufay se coucha sur une petite plate-forme supportée en l’air par des cordons de soie, et il se fit électriser, par le contact d’un gros tube de verre frotté.

L’abbé Nollet, qui débutait alors dans la carrière des sciences, lui servait d’aide dans cette tentative intéressante. Lorsque Nollet vint à approcher son doigt à une petite distance de la jambe de Dufay, il en partit aussitôt une vive étincelle. C’était le fluide électrique, qui, pour la première fois, s’élançait entre les corps de deux philosophes !

Ce résultat causa aux expérimentateurs une douce surprise. Nollet nous dit, dans un de ses ouvrages, qu’il n’oubliera jamais l’étonnement qu’il éprouva en voyant la première étincelle électrique émanée du corps humain[1].

Cette étincelle occasionnait une impression de douleur très-légère, semblable à celle d’une piqûre d’épingle. Elle se faisait sentir à la main qui tirait l’étincelle, aussi bien qu’à la personne d’où s’élançait le fluide. Quand on opérait dans l’obscurité, le corps de l’individu électrisé répandait une émanation lumineuse, qui étonnait beaucoup les assistants.

Aussi cette expérience occasionna-t-elle une grande sensation dans le public. On s’empressait d’accourir dans le cabinet de Dufay, pour être témoin d’un phénomène qui ouvrait une carrière inépuisable aux discussions de la philosophie et de la physique de cette époque. On croyait, en effet, voir se manifester physiquement à l’extérieur, cette matière subtile, ces petits corps, ces esprits animaux, qui, depuis Descartes, défrayaient toutes les discussions scientifiques, et qui servaient à résoudre tous les problèmes relatifs aux êtres vivants ou aux êtres inanimés, les problèmes de la physique aussi bien que les questions de psychologie.

L’électricité servait déjà, comme elle l’a fait tant de fois depuis, et comme elle le fera toujours, à expliquer pour certains esprits ce qui est inexplicable.

Les travaux de Dufay venaient de jeter beaucoup d’éclat sur les savants français. Les physiciens de l’Allemagne, qui n’avaient pris encore qu’une très-faible part aux recherches concernant l’électricité, entrèrent alors dans cette voie. Ils reprirent la suite des importantes études dont leur compatriote, Otto de Guericke, avait donné le signal, en construisant la première machine électrique que la physique ait possédée.

L’intervention des expérimentateurs d’outre-Rhin ne fut pas inutile. Elle amena des

  1. Leçons de physique expérimentale, t. VI, p. 452.