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tricité. Les physiciens français entrèrent plus tardivement dans cette carrière ; mais leurs premiers essais furent marqués de ce caractère de généralisation et de méthode qui distingue l’esprit scientifique de notre nation.

Les faits observés jusque-là étaient nombreux, mais leur multiplicité même portait la confusion dans la science naissante. Un système général d’explications pour l’ensemble des phénomènes électriques, fut bientôt imaginé en France. Cette théorie remplissait si heureusement son objet, qu’elle a suffi jusqu’à notre époque, pour l’explication et la systématisation des phénomènes électriques.

C’est à Dufay, naturaliste et physicien, membre de l’Académie des sciences, intendant du jardin du Roi, et prédécesseur de Buffon dans cette charge, qu’appartient l’idée de cette théorie.

Depuis l’année 1733 jusqu’en 1735, Dufay publia une série de mémoires sur l’électricité. Il prouva que tous les corps, sans exception, peuvent s’électriser par le frottement, à la condition d’être tenus par un manche de verre ou de résine, c’est-à-dire isolés.

Ce résultat général effaçait la distinction que Grey avait établie entre les corps électrisables et les corps non électrisables par le frottement. Bien que mal fondée, cette distinction avait simplifié les faits et jeté sur les phénomènes déjà connus une clarté incontestable. Après avoir rendu un service réel et joué son rôle dans la science, cette théorie, devenue inutile, fut donc supprimée, comme il arrive si souvent dans toutes les branches de nos connaissances positives en voie de création ou de perfectionnement.

Dufay démontra encore, que la conductibilité des substances organiques tient à la présence de l’eau, qu’elles renferment toujours. Il fit voir, par exemple, que, dans la célèbre expérience de Grey et Wehler dont nous avons rapporté les détails, la conductibilité des substances organiques employées par ces expérimentateurs, c’est-à-dire des baguettes de bois, des roseaux et des cordes de chanvre, provenait d’une petite quantité d’humidité que retiennent toujours ces matières. En effet, en mouillant une corde de chanvre, il augmenta considérablement sa conductibilité. En répétant avec une corde mouillée, l’expérience de Grey et Wehler, il transmit les effets électriques jusqu’à une distance de douze cents pieds.

Le principal titre de gloire de Dufay fut la découverte d’un grand principe théorique qu’il posa pour expliquer l’ensemble des actions électriques. Ces règles importantes, le physicien français les dut moins à ses propres expériences qu’à la sagacité avec laquelle il sut généraliser les observations de ses prédécesseurs. La loi qu’il en fit sortir exerça la plus haute influence sur les progrès ultérieurs de la science.

Dufay expose lui-même en ces termes la théorie dont il proposa l’adoption.

« J’ai découvert, nous dit-il dans un de ses mémoires, un principe fort simple qui explique une grande partie des irrégularités, et, si je puis me servir du terme, des caprices qui semblent accompagner la plupart des expériences en électricité.

« Ce principe est que les corps électriques attirent tous ceux qui ne le sont pas, et les repoussent sitôt qu’ils sont devenus électriques par le voisinage ou par le contact de corps électriques. Ainsi la feuille d’or est d’abord attirée par le tube, acquiert de l’électricité en en approchant, et conséquemment en est aussitôt repoussée ; elle ne l’est point de nouveau tant qu’elle conserve sa qualité électrique ; mais si, tandis qu’elle est ainsi soutenue en l’air, il arrive qu’elle touche quelque autre corps, elle perd à l’instant son électricité, et conséquemment est attirée de nouveau par le tube, lequel, après lui avoir donné une nouvelle électricité, la repousse une seconde fois, et cette répulsion continue aussi longtemps que le tube conserve sa puissance. En appliquant ce principe aux différentes expériences d’électricité, on sera surpris du nombre de faits obscurs et embarrassants qu’il éclaircit[1]. »

Un principe beaucoup plus général fut établi par Dufay. Nous voulons parler de la distinction des deux espèces d’électricités :

  1. Otto de Guericke avait déjà noté ce fait, mais on ne l’avait pas encore élevé à l’état de principe général.