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tube de verre, pour y développer la vertu électrique, et il s’empressa de reconnaître si l’extrémité de la corde attirait les corps légers, comme il l’avait observé précédemment avec ses roseaux tendus du haut du balcon.

Mais, ô surprise ! aucun phénomène électrique ne se manifesta : les corps légers ne furent point attirés. Ainsi l’électricité ne se transmettait point jusqu’à l’extrémité du conducteur soutenu de cette façon ; elle se perdait par les ficelles qui supportaient la corde[1].

Ce dernier résultat donna beaucoup à réfléchir à notre expérimentateur. Il eut heureusement le bon esprit de ne pas imaginer de théorie pour se tirer d’embarras, et résolut d’aller conférer de cette difficulté avec un sien ami, nommé Wehler, physicien de mérite, et spécialement versé dans les expériences électriques.

Le 30 juin 1729, Grey alla donc trouver Wehler.

Il commença à répéter avec son ami toutes ses expériences, qui réussirent parfaitement. Du sommet des toits de la maison de Wehler, une corde de chanvre, attachée à un tube de verre électrisé, attira très-bien les corps légers par son extrémité pendante au-dessus du sol. Mais quand on la disposait horizontalement, sur des ficelles de chanvre fixées par des clous contre le mur de l’appartement, tout effet électrique disparaissait.

Au moment de répéter une fois de plus cette dernière expérience, Grey proposa à son ami de remplacer par un cordonnet de soie, la ficelle de chanvre qui servait à soutenir la corde. Le motif qui le guidait dans cette substitution était d’ailleurs fort simple. La corde qu’il s’agissait de soutenir était très-lourde, car elle n’avait pas moins de quatre-vingts pieds de longueur. Grey, présumant que de simples ficelles ne supporteraient pas un tel poids, voulait leur substituer un cordon de soie, en raison de la plus grande solidité de cette matière. Ce fut l’emploi de ce cordon de soie, choisi par une circonstance bien fortuite, qui amena l’importante découverte de la distinction des corps en conducteurs et non conducteurs de l’électricité.

Le 2 juillet 1729, Grey et Wehler procédèrent ensemble à cette expérience. Ils opéraient dans une longue galerie, tapissée de nattes. On tendit au milieu et au travers de cette galerie, un cordonnet de soie, sur lequel on fit porter une corde de chanvre, de quatre-vingts pieds de longueur. L’une des extrémités de cette corde venait s’attacher au tube de verre ; l’autre extrémité, qui atteignait au bout de la galerie, se terminait par une petite boule d’ivoire.

Tout se trouvant ainsi disposé, Grey frotta le tube de verre, pendant que Wehler approchait de l’extrémité libre de la corde de chanvre quelques menus corps, tels que des plumes ou de minces feuilles de métal. Les corps légers furent vivement attirés.

Ainsi l’électricité se transmettait d’un bout à l’autre de la corde, et la même expérience, qui avait échoué quand on supportait la corde au moyen de ficelles de chanvre, réussissait parfaitement quand on remplaçait ces dernières par un cordon de soie.

Assez surpris d’un résultat si contraire à celui qu’ils avaient observé la veille, nos deux physiciens s’empressèrent de varier cette expérience, et de lui donner toute l’extension possible.

La galerie dans laquelle on se trouvait ne permettait pas d’opérer sur une plus grande longueur en ligne droite. On ramena donc la corde sur elle-même, en lui faisant parcourir deux fois la galerie, c’est-à-dire une étendue

  1. Le lecteur s’explique facilement les résultats obtenus par Grey dans ces deux expériences. Dans la première, la corde de chanvre étant attachée au tube de verre et ne touchant ni le sol ni les murs de l’appartement, se trouvait isolée par le manche de verre auquel elle était fixée. L’électricité transmise à la corde ainsi isolée devait donc s’y maintenir. Mais quand la corde était placée sur des ficelles tendues au travers de l’appartement, l’électricité pouvait s’échapper dans le sol par l’intermédiaire de ces supports et des clous fixés dans le mur.