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posa en équilibre sur un pivot. Ainsi soutenue, elle était beaucoup plus mobile que tout corps léger appuyé sur une table ou sur un plan quelconque. Il approchait alors de cette aiguille le corps préalablement frotté, dans lequel il voulait constater la propriété électrique. Pour peu que le corps frotté fût doué de cette vertu, elle devenait immédiatement sensible par le mouvement de l’aiguille[1].

En opérant de cette manière, Gilbert reconnut que la propriété d’attirer les corps légers, après des frictions préalables, n’est pas exclusivement propre à l’ambre et au jayet, mais qu’elle est commune à la plupart des pierres précieuses, telles que le diamant, le saphir, le rubis, l’opale, l’améthyste, l’aigue-marine, le cristal de roche. Il la trouva aussi dans le verre, les bélemnites, le soufre, le mastic, la cire d’Espagne, la résine, l’arsenic, le sel gemme, le talc, l’alun de roche.

Toutes ces matières, quoique avec différents degrés de force, lui parurent attirer, non-seulement les brins de paille, mais tous les corps légers, comme le bois, les feuilles, les métaux en limaille ou en feuille, les pierres, les terres et même les liquides, tels que l’eau et l’huile.

Gilbert a fait encore une foule d’observations de détail, sur les circonstances qui accompagnent l’attraction électrique, dans les substances où il l’avait reconnue.

Ces diverses observations sont éparses sans doute, et le lien qui doit les rattacher ne se montre pas encore ; mais l’impulsion était donnée, et la carrière ouverte par ce physicien ne devait pas tarder à se remplir.

Gilbert, qui fut le père de la science électrique, l’avait laissée dans l’enfance. Ce qui arrêtait ses premiers pas, c’était le manque d’un appareil à l’aide duquel elle pût s’exercer et procéder à des investigations précises. À cette science nouvelle il fallait son instrument, il fallait à l’électricité sa machine.

Ce fut l’illustre Otto de Guericke, bourgmestre ou consul de Magdebourg, le même qui a construit la première machine pneumatique et dont nous avons parlé dans les premières pages de ce livre, qui dota la science électrique de sa première machine.

Un simple tube de verre que l’on frottait avec une étoffe de laine, avait suffi à Gilbert pour ses expériences. Otto de Guericke forma avec un globe de soufre, une machine plus commode et plus puissante.

Le soufre est une substance qui s’électrise beaucoup par le frottement. En lui donnant la forme d’une sphère, et disposant cette sphère de soufre de manière à pouvoir lui imprimer un mouvement de rotation rapide, Otto de Guericke obtint une machine propre à servir aux expériences électriques. L’opérateur tournait d’une main la manivelle qui imprimait au globe de soufre son mouvement de rotation ; de l’autre main, il tenait un morceau de drap qui servait à opérer le frottement.

Telle est la première machine électrique que la physique ait possédée, comme nous venons de le rappeler. Otto de Guericke est aussi l’inventeur de la machine pneumatique. Ces deux découvertes, d’une importance égale, assurent, dans l’histoire des sciences, une place hors ligne au physicien de Magdebourg.

La figure 223, page 434, représente la machine électrique telle qu’elle se trouve dans l’ouvrage latin d’Otto de Guericke : Experimenta nova Magdeburgica.

L’auteur expose dans les termes suivants la manière de se procurer cette machine :

« Prenez une sphère de verre, ou, comme on l’appelle, une fiole de la grosseur d’une tête d’enfant ; placez-y du soufre concassé en morceaux dans un mortier, et approchez-la du feu, de manière à faire fondre le soufre. Le tout étant refroidi, cassez le

  1. « Faites, dit Guillaume Gilbert, une aiguille de quelque métal que ce soit, de la longueur de deux ou trois pouces, légère et très-mobile sur un pivot, à la manière des aiguilles aimantées ; approchez d’une des extrémités de cette aiguille, de l’ambre jaune ou une pierre précieuse légèrement frottée, luisante et polie, l’aiguille se tournera sur-le-champ. » (De arte magneticâ.)