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Aussi peut-on remarquer que les premières lueurs scientifiques qui, en Europe, apparaissent au milieu des ténèbres de l’ignorance universelle, se lèvent du côté des peuples non chrétiens. Elles arrivent par les Égyptiens, par les Arabes et les Maures d’Espagne. Si, en plein moyen âge, un physicien, le moine Gerbert, ceignit la tiare pontificale ; si quelques hommes de génie se révélèrent dans le silence des cloîtres, et apparurent sous le froc de quelques moines studieux, ce ne furent là, pour ainsi dire, que des inconséquences du siècle, et leurs contemporains le firent bien sentir au pape Sylvestre II, à Albert le Grand, à Roger Bacon, à Raymond Lulle, en accusant ces grands hommes du crime de magie, et dénonçant au monde leur pacte secret consenti avec le prince des ténèbres.

On ne sera donc pas surpris de voir la science de l’électricité n’apparaître que dans les dernières années du xvie siècle.

C’est en Angleterre que la science de l’électricité naquit, vers les dernières années du xvie siècle. Elle eut pour père Guillaume Gilbert, de Colchester, médecin de la reine Élisabeth d’Angleterre, mort en 1603. Comme, à cette époque, tous les phénomènes de la nature sollicitaient à la fois les recherches, la curiosité des observateurs devait particulièrement se diriger vers les faits qui se distinguaient le plus par leur singularité.

Parmi ces derniers, apparaissait au premier rang, le phénomène de l’attraction du fer par l’aimant.

Guillaume Gilbert publia sous le titre De arte magneticâ, un livre, vraiment admirable, où les phénomènes magnétiques sont soumis, pour la première fois, à un examen approfondi. Après les nombreuses expériences qu’il avait faites sur la pierre d’aimant, Guillaume Gilbert dut naturellement s’occuper du phénomène d’attraction qui est particulier à l’ambre jaune. Cette substance, quand elle a été frottée, attirant les corps légers à la manière des substances magnétiques, parut à Gilbert une variété d’aimant naturel. L’étude de l’ambre jaune rentrait, d’après cela, dans l’ordre des recherches qu’il avait entreprises.

Quand le médecin de Colchester commença ses expériences sur l’ambre jaune, tout ce que l’on savait encore, c’est que cette substance attirait les corps légers. Seulement, Pline avait annoncé que le jayet jouit de la même propriété. Or, l’ambre jaune était mis alors au nombre des corps les plus précieux ; il servait à l’ornement des autels et entrait dans les parures de luxe. Le jayet était aussi considéré comme un objet de prix : on l’employait à faire des miroirs avant l’invention des glaces.

La rareté de ces deux matières fossiles, et leur propriété commune d’attirer les corps légers, avaient fait naître, au Moyen âge, diverses opinions scientifiques, que l’on avait formulées plus ou moins clairement.

Gilbert poursuivant ses études, présuma, avec sagacité, que, quel que fût le prix accordé par les hommes à l’ambre et au jayet, la nature n’avait pas départi exclusivement à ces deux substances, le privilége de l’attraction magnétique. Cette pensée le conduisit à des expériences et à des découvertes, qui jetèrent les premiers fondements de la science de l’électricité.

Dans ses recherches sur l’aimant, Gilbert avait remarqué qu’il faut une moindre force pour mettre en mouvement une aiguille mince et légère, posée en équilibre sur un pivot bien poli, comme l’est, par exemple, l’aiguille aimantée d’une boussole, que pour déplacer et élever d’une seule ligne le même corps, ou un corps beaucoup plus léger. Il mit habilement à profit cette disposition, pour constater le phénomène de l’attraction électrique, dans les substances où elle est trop faible pour se manifester d’une autre manière.

Gilbert prit donc une aiguille, semblable à celle dont on se sert pour les boussoles, et la