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bien le remarquer, c’étaient toujours des chevaux mal conduits ou qui n’étaient pas conduits du tout. Ce n’est pas là une difficulté sérieuse, et ce n’est pas ce qui arrêtera l’application des machines de traction.

Les cavaliers que nous avons rencontrés, et qui savaient manier leur cheval, n’ont eu aucune peine à surmonter la surprise de leur monture ; beaucoup d’entre eux nous ont suivis pour habituer leurs chevaux au bruit, et ils y ont toujours réussi. Il y a bien quelque bête qui s’est effrayée au premier abord, qui a regimbé, s’est jetée dans des écarts, mais, sous la main d’un écuyer habile, expérimenté, la frayeur du cheval a été bien vite domptée.

Il faudra dire de la machine à traction employée sur les routes ce qu’on a dit des carrosses ; on s’en est effrayé d’abord, et au bout de peu de temps, ils sont devenus de l’usage le plus ordinaire.

Il s’agit de savoir maintenant quel peut être l’emploi de la machine de traction sur les routes ordinaires, au point de vue économique.

Le domaine des machines de traction ne peut s’établir que par comparaison avec les chemins de fer et avec le service des attelages.

Sur le chemin de fer, la traction est réduite à 1/250e du poids à transporter, au lieu de 1/20e sur route ordinaire ; par conséquent, la voie de fer est dix fois plus économique que la route ordinaire, sous ce rapport.

Pour le matériel roulant, l’entretien est le même dans les machines employées sur les routes ordinaires que dans celles qui roulent sur les chemins de fer.

Mais voici où est le grand avantage. Les frais d’établissement de la voie sont réduits à zéro pour les machines de traction, tandis que c’est la dépense capitale pour un chemin de fer. Il en résulte que les chemins de fer ne peuvent s’établir qu’en vue des grands trafics, dont les bénéfices qu’on a droit d’en attendre sont nécessaires pour payer les intérêts du capital considérable employé à l’établissement de la voie.

C’est le contraire qui a lieu pour les machines de traction. Ici on peut avoir en vue le service de trafics peu considérables ou intermittents, et c’est même là qu’est l’avenir de ces nouvelles machines. Cependant voici qu’une compagnie se propose de traverser le mont Cenis sur des rails posés sur le bord de la route de terre et qu’elle compte sur la diminution, ainsi obtenue dans les frais de traction, pour se rembourser utilement de toutes ses avances, avant même que le grand tunnel ne soit terminé.

Si nous comparons maintenant la machine avec le cheval de roulage, voici ce que nous trouvons.

Il faut dire d’abord que le plus fort cheval de roulage n’a pas la force d’un cheval de vapeur. Quand Watt eut à fixer l’unité de comparaison nécessaire pour déterminer la puissance de sa machine, il choisit dans l’écurie de Boulton le meilleur cheval, et il mesura sa puissance ; il la trouva de 75 kilogrammètres, et c’est le chiffre qu’il adopta ; mais le cheval de Boulton est une exception, et il se rencontre peu de chevaux qui développent une pareille puissance.

La machine de M. Lotz pèse 9 000 kilogrammes, et elle peut développer 25 chevaux de 75 kilogrammètres. Chaque cheval produit a donc à se traîner lui-même à raison de 360 kilogrammes, ce qui donne lieu à un effort de traction de 18 à 20 kilogrammes ; le poids utile vient après.

Mais le cheval de chair mange et consomme, lors même qu’il ne travaille pas. La machine de traction ne consomme qu’en raison du travail qu’on lui demande, et c’est là un grand avantage, on en doit convenir.

Un autre avantage est celui-ci :

Les routes ordinaires ne sont pas de niveau ; il y a des côtes fréquentes. Quand on les rencontre, il faut des chevaux de renfort ; cette dépense n’a pas lieu pour la machine de traction, qui donne des coups de collier à volonté, sans fatigue disproportionnée pour ses organes.

Les machines de traction ont ainsi une place intermédiaire marquée entre la voie de fer et le roulage ; elle s’adresse aux cas dans lesquels elle peut mieux satisfaire, sous le rapport de la moindre installation ou du moindre prix de revient. Cette place sera mieux définie par les résultats mêmes d’une expérience suivie. »

Au mois de juillet 1866 le Journal de l’Aisne parlait d’une autre voiture à vapeur qu’il nommait « locomobile routière », et qui aurait été expérimentée avec avantage sur la rampe de Laon.

« Une locomobile routière, construite par la maison Albaret et Cie, de Liancourt, a descendu, disait le Journal de l’Aisne, la rampe de Laon à la gare avec une vitesse moyenne de 8 kilomètres à l’heure. Cette rampe a été gravie ensuite en huit minutes, avec 5 000 kilogrammes de charge, et 5 atmosphères de pression seulement.

Cette expérience s’est faite plusieurs fois dans les mêmes conditions ; elle fait supposer, après calculs faits, que cette machine a une puissance de traction pour remorquer, à Laon, 30 000 kilog. environ, avec une vitesse de 4 à 6 kilomètres à l’heure.

Sans aucun doute, il y a encore bien des améliorations, bien des perfectionnements à apporter à ce genre de transport ; mais on peut affirmer que le jour n’est pas éloigné où les transports seront exécutés sur les routes au moyen de ces machines seules. »

Un arrêté ministériel du mois de mai 1866, a autorisé la circulation des voitures à va-