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LES LOCOMOBILES


Une exploitation rurale ne diffère en rien, par son objet essentiel, d’un établissement d’industrie. Dans une ferme, comme dans une manufacture, on se propose de faire subir à la matière, grâce au concours des forces naturelles, certaines transformations, qui ont pour résultat d’augmenter la valeur première des produits mis en œuvre. Fabriquer ou tisser les étoffes, les teindre de couleurs variées ; — extraire de leurs gisements les produits métallurgiques ; — façonner, sous mille formes, le bois, la pierre et les métaux ; — préparer ou décorer le verre, les poteries, les porcelaines et les cristaux ; — fabriquer les machines et les outils employés dans les ateliers ; — en un mot, créer les innombrables produits de l’industrie manufacturière, ou bien diriger avec intelligence les forces naturelles du sol, des eaux, des amendements et des engrais, pour multiplier la semence confiée à la terre, tout cela revient, en définitive, à accroître la valeur primitive des matériaux employés. On a de bonne heure compris, dans l’industrie, tous les avantages que présente la substitution des machines au travail manuel ; et l’introduction des appareils mécaniques dans les ateliers et les manufactures, a imprimé à leur production une activité prodigieuse, qui a centuplé les forces, les ressources et les richesses de la société. Mais ces machines, qui ont amené dans l’industrie une telle transformation, ne peuvent-elles s’appliquer, avec les mêmes avantages, aux travaux des campagnes ; et puisque ces deux exploitations ne diffèrent point dans leur objet essentiel, ne peut-on consacrer le même genre d’instrument à leur service ?

Le raisonnement conduit à admettre que les bons résultats qui ont été obtenus, dans l’industrie, de l’emploi des machines, doivent se reproduire dans l’agriculture, si l’on tient compte, avec discernement, des conditions spéciales de ce dernier genre de travail.

Le peuple américain a été le premier frappé de la justesse de ces vues. Dans ces régions immenses, des espaces sans limites s’offraient à l’exploitation agricole. La population était peu nombreuse et disséminée sur un territoire étendu, ce qui élevait le prix de la main-d’œuvre et rendait les moyens de transport difficiles et coûteux. Ainsi, tout concourait à prescrire l’emploi des machines pour les travaux de l’agriculture. Grâce à son esprit industrieux et actif, la population des États-Unis a mis promptement cette idée à exécution, et dès le début de notre siècle, la grande culture commença de s’exercer sur le sol américain, au moyen de divers appareils mécaniques, qui ne laissaient au labeur de l’homme qu’une très-faible part.

La machine à vapeur, le plus puissant et le plus économique de tous les moteurs connus, fut donc consacrée, dans les principaux États de l’Union américaine, aux opérations agricoles, et elle y rendit de très-importants services.